Dans la politique de régulation de l'Etat, le citoyen algérien a bon dos. Considéré comme une génisse à pis d'or, il est trait jusqu'à l'os. Nouvelles taxes, augmentation des prix des produits de première nécessité et des services… Depuis déjà quelques années, à la première difficulté, aux premières fluctuations des marchés internationaux ou à celles liées aux poids d'investissements consentis, le simple citoyen tremble à l'idée de subir, encore une fois, les répercussions directes sur son déjà maigre portefeuille. Et chose surprenante, les ajustements imaginés par les pouvoirs publics touchent de plein fouet les petites bourses. Ainsi y va-t-il les dernières annonces faites dans le secteur des transports. En effet, comment expliquer que le billet de train, moyen de transport favori des «zaoualia», connaisse une augmentation de près de 100% alors que le billet d'avion, qui n'est pas à la portée de tout le monde, voit ses tarifs baisser de moitié ? Dans ces cas, il est évident que les lois du marché ont été déterminantes, que la concurrence est féroce, que les investissements consentis sont lourds et les conjonctures difficiles. Mais n'y a-t-il pas un autre moyen de régulation que de répercuter directement ou indirectement ses fluctuations sur le dos des citoyens au faible pouvoir d'achat ? En moins de cinq ans, il y a eu augmentation des tarifs par la Sonelgaz (5% pour les ménages et 10% pour les industriels en 2005), des prix du sachet de lait, du sucre, de l'huile de table. L'inflation a atteint 6,1% pour le premier trimestre de l'année en cours. Pour mieux mesurer la politique du recours systématique à la poche du citoyen, notons que, selon le rapport de 2007 du CNES, les revenus bruts des ménages ont cru de 15,5% entre 1990 et 2006. Parallèlement, et pour la même période, les prélèvements obligatoires ont augmenté en moyenne annuelle de 14,6%. Ce qui est donné d'une main est donc repris de l'autre. Il est vrai que, dans les nouveaux modes de gestion, le volet social ne prime pas, mais le rôle de l'Etat régulateur consiste à trouver des idées et des mécanismes à même de concilier la chèvre et le loup. Fort de 143,1 milliards de dollars de réserves de changes (à la fin 2008), l'Etat n'est pas non plus la poule aux œufs d'or. Même si les dépenses sociales augmentent chaque année de 18%, il doit faire en sorte de limiter sa dépendance aux hydrocarbures pour faire face aux lourds investissements consentis ou prévus (le programme quinquennal 2009-2014 du Président table sur 150 milliards de dollars). D'ailleurs, n'y a-t-il pas trop d'argent en circulation en Algérie ? Le flux de la monnaie fiduciaire a connu une croissance de 400% entre 2005 et 2007, selon la Banque d'Algérie. Alors comment récupérer un peu de cet argent sans léser les ménages à faibles revenus ? Une proposition, faite jeudi dernier, par le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, mérite d'être soulevée. Faire payer les «consommations excessives». Il s'agit de mettre un seuil de consommation d'eau au-delà duquel le client doit s'acquitter d'une indemnité supplémentaire. Une réflexion qui vaut le détour : cibler le produit, le consommateur et répercuter sur la manière d'agir. Et cela nécessite beaucoup d'imagination et de bon sens. S. A.