De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani «Wahed ma yekhroudj salem men Sidi Salem» (Personne ne sortira indemne de Sidi Salem) C'est par ces mots que nous répondit hier un jeune chômeur que nous avons rencontré dans cette petite ville assis sur un banc face à la mer. «Nous avons trop attendu, poursuit-il, ils nous ont gavés de promesses qu'ils n'ont jamais tenues. J'ai 32 ans, je n'ai jamais travaillé, je vis au jour le jour, vous vous rendez compte à mon âge ?!» Il poussa un long soupir, brandit le poing et partit sans se retourner. Dans la petite localité, la présence des forces de l'ordre aux points névralgiques est visible, la vigilance des agents de sécurité est mise à rude épreuve et, apparemment, la situation n'est pas encourageante. Sidi Salem était sortie avant-hier de l'anonymat lorsque des centaines de jeunes avaient pris d'assaut l'antenne administrative de la commune d'El Bouni dont ils dépendent. Ils étaient montés sur le toit et certains s'étaient même mutilés pour protester contre les conditions précaires dans lesquelles ils vivent : chômage, qui dure depuis des années, népotisme, hogra, malvie et surtout le fait que leur localité ait été ignorée par les différents élus qui se sont succédé à la tête de la commune d'El Bouni. Le président de l'APC, mis au courant de la situation, s'était déplacé sur les lieux pour essayer de calmer les esprits, a été accueilli à coups de pierres et blessé à la tête, puis transporté d'urgence à l'hôpital. Les insultes pleuvaient de toutes parts et les services de sécurité, dépêchés sur les lieux, n'avaient pu déloger les manifestants jusque dans la soirée où les choses se sont plus ou moins calmées. Sur les causes qui ont poussé ces centaines de jeunes à manifester avec tant de violence, un autre jeune nous a déclaré que les emplois sont distribués au compte-gouttes et que ce sont surtout les filles et ceux qui habitent le chef-lieu de la commune qui passent en priorité. «Personnellement, jusqu'à maintenant je n'ai rien eu et Dieu sait combien de dossiers j'ai dû fournir aux différentes administrations pour essayer de trouver un poste.» Hier, le chef de daïra a pris les choses en main et a rencontré un premier groupe de jeunes auxquels il a remis des contrats de travaux d'intérêt public, 50 parmi eux commenceront samedi. «C'est une première mesure, nous dit un responsable au niveau de cette institution, en attendant d'avoir de nouveaux postes, nous essayerons de faire de notre mieux pour aider ces jeunes.» Certains parlent de manipulations par des groupes qui veulent embraser toute la région et occuper les autorités parce que d'autres affaires commencent à apparaître au grand jour, les scandales à répétition au complexe sidérurgique, la mafia du foncier et autres magouilles. Ce qui est sûr c'est qu'il y a un déficit en matière de communication entre les élus et leurs administrés ; le wali en avait longuement parlé lors de sa dernière rencontre avec les représentants de la société civile et avait tiré la sonnette d'alarme en s'adressant à ces mêmes élus. Apparemment, cela n'a pas été pris en compte et le résultat a été cette protesta qui a été jusqu'à une tentative de suicide collectif.