De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati La famille de Lounes Matoub, le rebelle assassiné il y a dix années, et la fondation qui porte son nom ont décidé de changer de stratégie dans leurs différentes démarches, notamment celles relatives à la quête de la vérité sur l'assassinat du poète disparu le jour fatidique du 25 juin 1998 ainsi qu'au travail de mémoire. C'est ce qu'a annoncé la sœur du rebelle, également présidente de la fondation Matoub Lounes, Malika Matoub, lors d'une conférence de presse qu'elle a animée lundi à l'occasion des festivités commémoratives du dixième anniversaire de l'assassinat du chanteur. En effet, dorénavant, l'exigence de faire toute la lumière sur le crime commis contre le rebelle à Tala Bounane est du ressort de la famille Matoub dont les membres «veulent en finir avec les pressions et les intimidations qui pèsent depuis des années sur les éléments de la fondation». «Vous avez certainement remarqué que le bureau de la fondation a souvent changé de membres, cette décision vient pour arrêter l'hémorragie que la fondation a subie depuis plusieurs années», affirme Malika Matoub qui précise que, «contrairement à ce que disent les adversaires de la vérité, nous n'abandonnons pas, nous n'abandonnerons pas notre exigence d'une véritable enquête sur l'assassinat de mon frère, le jugement des assassins et de leurs commanditaires et l'éclatement de la vérité sur cette affaire». Depuis l'assassinat du chantre de l'amazighité en juin 1998, sa sœur et sa mère, ainsi que la fondation qu'elles ont créée n'ont cessé de revendiquer une véritable enquête sur ce meurtre resté à ce jour impuni. Le repenti Hakim Chenoui, qui s'est rendu en septembre 1999, et le jeune de Tala Bounane, arrêté quelques mois plus tard, sont accusés d'avoir participé à l'assassinat de l'artiste, mais cette accusation a été considérée par la famille, qui s'est constituée partie civile, comme une mise en scène pour épargner les véritables auteurs et commanditaires du meurtre. D'ailleurs, quand le procès des deux prévenus a été programmé pour le 20 décembre 2000, la défense représentée par le défunt Me Mahmoud Khellili et la partie civile ont demandé son report pour protester contre «une mascarade judiciaire», non sans avoir exigé la présentation comme témoins de trois hauts responsables du RCD de l'époque, pour les déclarations publiques qu'ils ont faites au lendemain de l'assassinat. Il s'agissait de Saïd Sadi, de Nordine Aït Hamouda et de Amara Benyounes qui affirmaient que le poète kabyle a été assassiné par le GIA. Le tribunal criminel près la cour de Tizi Ouzou devait examiner ce dossier le 5 mai 2001, mais les événements que la région a subis à partir d'avril de la même année ont fini par provoquer le report du procès qui n'a pas été reprogrammé à ce jour. D'ailleurs, pour rappeler à l'institution judiciaire sa quête de la vérité sur l'assassinat de Matoub et le jugement de ses assassins et commanditaires, les membres de la famille Matoub ont décidé de tenir, hier mardi 24 juin, un sit-in devant le siège de la cour de Tizi Ouzou. Les concernés insistent en affirmant que c'est un rassemblement de la famille et non celui de la fondation. Ce rassemblement intervient en parallèle avec un programme d'activités initié par la fondation Matoub Lounes, en collaboration avec plusieurs associations, pour marquer les dix années qui ont suivi la mort du rebelle. à côté de l'exposition de photos, de documents et d'objets traditionnels, la fondation Matoub a lancé la première édition d'un concours de poésie qui a vu la participation de centaines de jeunes et de moins jeunes qui se sont essayés à la poésie amazighe. Soixante-dix poèmes ont été retenus pour le concours dont les lauréats seront connus jeudi prochain lors d'une cérémonie de remise des prix. Les responsables de la fondation annoncent en outre que les quinze meilleurs poèmes seront publiés dans un recueil qui sera mis à la disposition de toutes les bibliothèques et des enseignants de tamazight. A la Tribune, la présidente de la fondation annoncera que le concours, de dimension régionale, sera élargi aux autres régions du pays à l'occasion de la seconde édition l'année prochaine. C'est à partir de 2010 que le concours devrait acquérir la dimension internationale, ajoute Malika Matoub qui pense que c'est une bonne façon d'aider à l'éclosion de nouveaux poètes. La fondation a organisé également, et ce, durant l'après-midi d'hier mardi, une journée d'étude sur l'œuvre poétique et artistique de Lounes Matoub, qui tournera autour de thèmes variés, comme «l'intermélodie ou l'identité artistique de Lounes Matoub», «l'héritage et l'ancrage féminin de la poésie matoubienne», «retour sur l'œuvre de Lounes Matoub : regards croisés», «poésie de Matoub ou l'art de perpétuer l'awal», «la thérapie de groupe dans la chanson de Matoub» et «portrait de l'homme mort et du poète vivant». Pour le reste du programme, la fondation a programmé un rassemblement le 25 juin, jour anniversaire, à Taourirt Moussa, près de Beni Douala, devenu, depuis une dizaine d'années, un lieu de pèlerinage pour des dizaines de milliers de fans du chanteur. M. B. Le procès sur l'assassinat de Matoub aura lieu «dans de brefs délais» Le procureur général de la cour de Tizi Ouzou a assuré à la délégation conduite par Malika Matoub, sœur de l'artiste assassiné le 25 juin 1998, de la tenue d'un procès public des assassins durant la session criminelle en cours, selon un communiqué de la famille Matoub. A l'issue du rassemblement devant le siège de la cour de Tizi Ouzou, une délégation a été reçue par le procureur général de la cour de Tizi Ouzou qui a aussi affirmé que le dossier de cette affaire ne sera pas frappé par l'effet de prescription et que, «dans de brefs délais», le procès aura lieu et que toutes les parties seront convoquées, selon la même source.