La salle de spectacle du palais de la culture Moufdi Zakaria s'est faite théâtre pour accueillir l'adaptation de la pièce l'Ours, la célèbre œuvre du dramaturge russe Anton Pavlovitch Tchekhov, mise en scène par Abdelghani Chentouf et produite par la coopérative de théâtre de Boumerdès. La représentation est inscrite au programme off, hors compétition, du 4ème Festival national du théâtre professionnel, qui, sous l'appellation «l'édition El Qods», est dédié à la célébration d'El Qods, capitale éternelle de la culture arabe. Cependant, la pièce n'a pas attiré la foule. Une dizaine de personnes à peine dans la salle, dont des membres de la famille théâtrale. L'accès difficile au palais de la Culture qui n'est desservi par aucune ligne de transports publics n'est certainement pas étranger aux défections du public. Extinctions des feux. Une faible lumière plonge la scène dans un clair-obscur de circonstance. Un salon style rustique occupe un côté de la scène. A gauche des escaliers. Le petit living reflète un goût de luxe. C'est la maison de Nicolas, un jeune et riche éleveur de chevaux qui est mort il y a neuf mois. Sa femme, jeune, belle et troublante est plongée dans un deuil prolongé. Fidèle à la mémoire de son défunt mari, elle a décidé de se retirer de la société. Elle n'a pour compagnon que son serviteur Lucas. Ensemble, ils se sont habitués au silence qui emplit la demeure et à cette vie sans lendemain. Et comme pour raviver le souvenir de son défunt époux, la veuve ne garde pour occupation que les soins qu'elle prodigue à son cheval. La vie suit son cours sans joies jusqu'au jour où Grégory, grand de taille, mal habillé, sale, ivre et macho, débarque chez la belle veuve et lui réclame une grande somme d'argent que le défunt Nicolas lui devait et dont il ne s'était pas acquitté. Altière, la femme refuse et chasse méchamment ce malpropre qui, par son unique présence, salit sa demeure et la mémoire de son mari. Elle refuse de s'abaisser à discuter avec cet homme qui représente le cliché, le stéréotype de la plèbe. Mais Grégory ne cède pas. Dépourvu de toute bienséance et de savoir-vivre, il squatte son salon. «Je n'irai nulle part avant d'avoir récupéré mon argent», dira-t-il à la maîtresse de céans. La veuve offusquée par son comportement hausse le ton. Regards furieux et insultes s'échangent. «Tu es un ours», lui dira-t-elle avant de lui proposer de régler le différend à l'ancienne, par un duel. Mais Grégory n'a plus la tête à l'argent et, s'il reste, ce n'est plus pour récupérer son dû mais parce qu'il est tombé sous le charme de la veuve. Aussi ne peut-il se résoudre à croiser le fer avec celle pour laquelle il nourrit un amour si fort qu'il ne peut réprimer son expression. Il lui avoue son amour. Mais il est rejeté. Face à ce refus, il décide de se tuer en se tirant une balle dans la tête pour en finir. «Les yeux de cette femme me brûlent», dira-t-il à genoux. La scène touche la veuve qui se découvre un faible pour l'homme, faible qui ne tarde pas à devenir flamme. Elle tombe dans les bras de celui qu'elle abhorrait et qui lui fera oublier son veuvage et son deuil pour en faire sa femme. On relèvera que la musique a mal cadré la pièce en se faisant joyeuse quand les scènes inspiraient la tristesse et calme quand elles se faisaient joyeuses et vives. Le metteur en scène dira que «l'Ours est une pièce théâtrale universelle mais je l'ai adaptée à notre culture arabe sans cependant changer les caractères des personnages». W. S.