De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi En pleine mutation, la ville de Constantine gère mal sa danse à deux temps. Replâtrer son acquis ou le refaire quitte à dénaturer le site ? Un déséquilibre qui n'est pas sans conséquences sur sa physionomie globale. La coloration de la cité millénaire perd de son éclat au point de chercher ses reliefs qui l'identifiaient. Le replâtrage est engagé pour sauver ce qui ne pourrait être rebâti, voire calqué. Une approche qui a interpellé, au cours de cette semaine, des experts d'outre-mer en vue d'apporter leur contribution dans des chantiers engagés au cœur de l'ancienne ville tombée en ruine il y a quelques années. Le satisfecit apporté par ces professionnels a simplement conforté les bureaux d'études locaux dans leur démarche. Cependant, ils alertent sur le futur look des lieux restaurés qui, selon eux, ne devraient en aucun cas être similaires à des «musées» : on serait sorti de la touche de «préservation». Les sites constantinois les plus significatifs et porteurs de messages historiques ont été égratignés par la bêtise humaine. C'est la vieille ville qui a payé ce ourd tribut car vraiment difficile à retaper, quelles que soient les compétences enclenchées pour sa sauvegarde. Il est vrai que le vieux bâti subit une vaste opération de restauration avec une enveloppe importante. Le laisser-aller et l'insouciance des responsables du volet touristique laissent en jachère certains lieux et espaces flambeaux de la ville. On a procédé, dernièrement, à l'illumination du monument aux morts. Un beau faisceau lumineux se propage et se casse légèrement aux abords du Rhumel. Un contraste impressionnant habille la ville de nuit mais on demeure toujours dans l'attente de la prise en charge réelle de cet espace, resté sans aucun entretien permanent. Les réunions de l'été dernier sont restées dans les tiroirs. L'APW, qui avait promis monts et merveilles à ce site à la beauté vertigineuse, n'a pas tenu sa promesse. «Nous devrions rentabiliser ce lieu», préconisait un élu local. Rien n'a été matérialisé. L'ascenseur de Sidi M'cid vit, également, la même solitude, empêchant du coup les touristes de découvrir le Rhummel sous un autre angle et les habitants de la cité d'éviter les déboires du transport. Actuellement, le téléphérique reste le nouveau symbole de la capitale de l'Est avec lequel on essaye de dissimuler les négligences dans la prise en charge des autres acquis de la cité. Il sert le CHU et la cité Emir Abdelkader et fait, également, le «bonheur» de certains passagers en court séjour à Constantine dès lors que les aires de loisirs et de distractions font cruellement défaut. A ce sujet, on va encore exhumer les promesses molles tenues en vain à Constantine… A commencer par la mauvaise gestion qu'a connue le parc d'attractions de Djebel Ouahch depuis sa mise à la disposition de la population à la fin des années 1980. C'est la preuve éloquente de la déliquescence du loisir. Le parc situé au centre de cette forêt à fort «oxygène» n'a pas encore trouvé repreneur pour le réanimer. En fait, les souscripteurs n'auraient pas satisfait à la fourchette locale en matière de location. Mieux, le parc nécessite une révision globale traduite dans un cahier des charges aux normes des préservations par-dessus tout des espaces verts. Car, le béton cohabite avec la verdure. Le point culminant de Constantine reste, pour l'heure, dans l'expectative. On ne peut trouver mieux comme gâchis ! Toujours dans les allées à verdure, signalons l'autre forêt inexploitée judicieusement par les responsables locaux. Il s'agit d'«El Merridj», située à quelques encablures de la commune de Khroub et du chef-lieu. Certes, la décennie noire aura tout ravagé sur son passage, il n'empêche que ce lieu de détente cherche une compagnie confortable. Les prés sont livrés à la nature brute sans être aménagés selon les règles et ce, en dépit d'une sécurité quasi présente de la Gendarmerie nationale qui y veille constamment. Voilà deux grands sites «verts» à l'abandon mais qui ont, pourtant, un rôle très important pour drainer une frange touristique printanière. Les responsables locaux n'ignorent certainement pas ce potentiel naturel. Ce qui frôle l'éveil d'une éventuelle initiative reste, toutefois, figé dans une dimension classique, celle des discours de session au niveau des deux Assemblées de wilaya ou de la commune. C'est la vision de la vitrine, voire de la poudre aux yeux, qui pénalise la mise en valeur et la sauvegarde de tous les repères historiques et touristiques de Constantine. Celle-ci a repris, l'année dernière, son esplanade «symbolique» du centre-ville, la Brèche, après quelques travaux. Elle attend encore la livraison d'une autre place, une ancienne station de bus et de taxis, reconvertie en «pseudo jardin de détente», Kerkri. D'une part, le pic de la pollution a été neutralisé par le transfert des bus, mais, de l'autre, il faut avouer que ce lieu ne s'accorde pas pour autant avec l'aspect propre à Constantine. C'est une question de goût. Mais, au coût de milliards, l'erreur n'est pas permise. Il faut, du moins, réussir la bonne formule pour ne pas entacher la toile de fond de la cité millénaire. En somme, Constantine demeure en lutte pour préserver son tableau qui tolère peu la métamorphose. Si le Rocher a pu résister au bricolage, il n'en demeure pas moins que certains coins «témoins» de l'histoire revendiquent la touche consciente des acteurs et des promoteurs de cette mutation que vit Cirta. Heureusement qu'il existe une frange de la société civile qui œuvre à l'ombre et qui tente un tant soit peu d'apporter sa modeste contribution non pas pour freiner l'élan du massacre des traits, mais, surtout, pour veiller à la préservation des sites, de l'esplanade, des cafés... C'est-à-dire le noyau typique d'une cité aux multiples facettes culturelles qu'est Constantine.