Déjà annoncée comme une réussite, la pièce les Vigiles adaptée du roman éponyme du défunt Tahar Djaout a été présentée dimanche dernier en compétition au 4ème Festival national du théâtre professionnel (FNTP), Edition El Qods, par la troupe du Théâtre régional de Béjaïa. En effet, c'est face à une salle bondée que le rideau se lève accompagné d'un chant doux interprété par Mounia Aït Meddour mais malheureusement en play-back. En prélude, une projection du défunt Djaout plonge le public dans l'esprit de la pièce. Sur les planches apparaît Mahfoud Lamdjed interprété par Farid Cherchani. Nous sommes dans le village de Sidi Mabrouk, plus précisément dans la mairie de ce coin de Kabylie. Mahfoud est un professeur universitaire mais aussi un inventeur. Muni d'une maquette représentant un métier à tisser automatisé de son invention, il veut rencontrer le maire pour lui demander de l'aide afin de concrétiser son projet. Mais dès son arrivée, il est confronté au gardien, premier verrou de la bureaucratie régnante, soutenue par une fratrie qui, au nom de la légitimité historique, s'approprie le pays qu'elle dit «défendre», «mais contre qui ? contre son propre peuple ?» demande la jeune oratrice. Mahfoud insiste et finit par rencontrer un responsable qui l'écoutera avant de l'éconduire de la manière la plus cavalière. Mahfoud fait un esclandre en criant qu'il veut voir le maire qui, ayant entendu ses cris, consent à le recevoir, l'écouter et finit par lui expliquer qu'il perd son temps, car, lui, il traite les dossiers de logements, de terrains, de locaux commerciaux… Exaspéré et frustré, Mahfoud quitte les lieux et jette maquette et plans aux ordures. A ce moment, son téléphone sonne. Samia, sa fiancée, lui annonce que sa création a été retenue par le Salon international des inventions en Allemagne et qu'il est invité à se déplacer dans ce pays pour la présenter. L'inventeur jubile. Mais sa joie sera de courte durée. Il sera vite rattrapé et douché par la réalité de sa situation : il n'a pas de passeport et il doit repartir à l'assaut de cette forteresse de la bureaucratie qu'est l'administration. Verrous, sas, écueils et portes fermées jalonneront son parcours qui commencera au commissariat où on lui fera subir un interrogatoire digne de tribunaux de l'Inquisition. La scène est exagérément caricaturale. Ce ne sera hélas pas la seule. Mahfoud résiste et finit par décrocher le sésame qui lui permettra de partir pour Allemagne et d'y décrocher même le premier prix du Salon des inventions. Il fera la une des journaux et l'ouverture du JT. Il devient un héros national. A Sidi Mabrouk, c'est la panique. La fratrie des anciens combattants ne sait comment se sortir de l'impasse dans laquelle elle s'est mise en faisant jouer toutes les entraves bureaucratiques pour barrer la route au jeune inventeur. Pour se racheter et sauver la mise, ils décident de réserver un accueil des plus fastes à Mahfoud quand il reviendra au village et, pour se laver les mains de toutes les vilénies qu'ils lui ont fait subir, ils décident de se décharger sur quelqu'un. Le maire sera désigné comme le bouc émissaire qu'on sacrifiera pour la tranquillité de la coterie. On fera porter le chapeau à ce personnage qui ne fait pas vraiment partie de la fratrie. C'est un faux moudjahid qu'on tolérait pour les basses besognes dont il se chargeait pour leur compte. L'histoire, qui se passe durant les années noires de l'Algérie, rend une certaine réalité du pays. Mais sur les planches, elle sera diluée par une mise en scène qui a sur-utilisé les intermèdes musicaux, intercalés entre presque tous les tableaux. Il en sera de même avec des chorégraphies qui n'avaient pas lieu d'être et les scènes trop caricaturales qui grèvent le réalisme. Notons que les intermèdes ont quelque peu cassé le rythme de la pièce. Les bons points iront à l'interprétation, l'occupation de l'espace scénique et la scénographie, signée Abderrahmane Zaaboubi, qui cependant a été desservie dans certains tableaux par l'éclairage. W. S.