La crise économique mondiale s'approfondissant, les dirigeants africains ont demandé à la communauté internationale de venir en aide au continent pour protéger les progrès obtenus, ces dernières années, dans son développement. A la veille de la réunion, en avril dernier, du groupe des 20 (G20), au sein duquel l'Afrique du Sud est le seul pays représentant le continent, un comité de 10 ministres des Finances et de gouverneurs de Banques centrales africains a averti les membres du G20 qu'ils devaient honorer leurs engagements d'augmenter leur aide, d'améliorer l'accès au commerce et de mettre en œuvre un système de gestion financière internationale plus équitable et plus flexible. Rencontrant à la mi-mars l'hôte du G20, le Premier Ministre britannique, Gordon Brown, le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, a averti que, si l'on laissait la crise empirer, certains pays sombreraient dans un chaos total et que le coût des violences qui en résulteraient «serait bien plus élevé que celui du soutien de l'Afrique». Le comité des 10 a exhorté les pays développés à consacrer 0,7% de leur plan de relance aux pays en développement dont les moyens ne leur permettent pas de profiter de mesures similaires. «Le plus grand danger» La crise actuelle «présente pour le développement de l'Afrique le plus grand danger jamais encouru», a déclaré le président de la Tanzanie, Jakaya Kikwete, au cours de la conférence sur le développement africain qui s'est tenue, les 10 et 11 mars dernier, à Dar-Es-Salaam. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit, actuellement, que l'économie mondiale subira une récession au cours de cette année, les prévisions de croissance pour l'Afrique subsaharienne dépassant à peine 3% -la moitié du chiffre moyen de la décennie passée- avec un risque réel de réduire des millions d'individus à une pauvreté extrême. La réunion a mis, également, l'accent sur l'importance du commerce, en avertissant que tout retour au protectionnisme ne ferait qu'approfondir les problèmes du continent africain. Il faut «des conditions commerciales égales et le retrait des subventions qui pénalisent l'Afrique», a déclaré dans son discours Kofi Annan, président de l'African Progress Panel, un groupe de pression. «Nous pensions être à l'abri de la crise du secteur financier, a déclaré, en mars dernier à Lagos, le ministre des Finances du Nigeria, Mansour Muhtar, mais, aujourd'hui, aucun pays n'est à l'abri.» Les exportateurs de pétrole et de minerais ont été frappés de manière particulièrement forte. Les prix du cuivre ont baissé de 60%. Le pétrole, à environ 45 dollars le baril, est à une fraction de son maximum de plus de 140 dollars d'il y a un an. Les prix du caoutchouc, du coton, de l'huile de palme et du bois ont, également, considérablement baissé. La réduction de la demande mondiale entraîne une montée du chômage, le secteur minier étant particulièrement touché. En République démocratique du Congo (RDC), on estime qu'entre 200 000 et 300 000 mineurs se sont retrouvés sans emploi, ces six derniers mois, avec des conséquences indirectes pour plus d'un million de personnes. Les familles africaines reçoivent, également, moins d'argent de leurs parents travaillant à l'étranger. L'augmentation récente de ces revenus s'est considérablement réduite l'année dernière et l'on prévoit leur diminution au cours de l'année 2009.Les mauvaises prévisions économiques et l'attitude beaucoup plus prudente des investisseurs ont entraîné une fuite de capitaux dans de nombreux pays. Les investisseurs étrangers ont, ainsi, retiré environ 4 milliards de dollars du marché financier du Nigeria l'année dernière. Les prix des denrées alimentaires et du carburant baissent peut-être sur les marchés mondiaux, mais la valeur des monnaies locales s'est aussi dépréciée, parfois à un rythme beaucoup plus rapide. Le kwacha de la Zambie a chuté de 60% pendant ces six derniers mois, rendant les importations plus chères. Un régime de rigueur Selon le FMI, la plupart des pays africains devront maintenir un régime de rigueur strict pour préserver des résultats difficilement acquis par les réformes économiques et essayer de protéger les plus pauvres des impacts de la crise. Peu de pays africains ont les moyens nécessaires pour échapper à la crise, déclare le président de la Banque africaine de développement (BAD), Donald Kaberuka. «Nous n'avons pas les réserves budgétaires des pays développés pour stimuler notre économie au moyen de dépenses massives», a-t-il déclaré au cours d'une réunion au sommet de l'Union africaine en février dernier. Il est donc important que l'aide publique au développement continue à arriver. Le comité des 10 pense que l'Afrique a besoin de 50 milliards de dollars supplémentaires, cette année, simplement pour maintenir les niveaux de croissance d'avant la crise. Cinq pays africains ont déjà bénéficié d'un financement de la Facilité de protection contre les chocs exogènes du Fonds monétaire international (FMI). La Banque mondiale a, également, mis à disposition 2 milliards de dollars de fonds d'urgence. La Banque africaine de développement, de son côté, a établi un fonds d'urgence de 1,5 milliard de dollars pour les pays qui requièrent un financement à court terme, ainsi qu'un financement commercial de 1 milliard de dollars pour aider les banques et les autres institutions financières africaines. Une voix plus forte Les dirigeants africains ne demandent pas seulement une augmentation de l'aide d'urgence. Ils demandent, également, à siéger aux réunions de planification du redressement économique. L'Afrique prétend à «une voix proportionnée pour redresser le système de financement mondial et les réponses à la crise actuelle», a déclaré le président Kikwete à la réunion de Dar-Es-Salaam. Cela doit aussi inclure un renforcement supplémentaire de la voix de l'Afrique au sein du FMI, lequel doit augmenter son soutien à l'Afrique en augmentant son financement et en assurant une plus grande flexibilité, a indiqué la déclaration de Dar-Es-Salaam. En mars dernier, le FMI a annoncé qu'il augmenterait les sommes à la disposition des pays touchés par la crise, de manière plus rapide et plus souple. Le débat sur la réforme du système financier international continue. Une commission de spécialistes, établie par l'Assemblée générale des Nations unies pour préparer une conférence au cours de ce mois de juin sur l'impact du développement de la crise économique et financière mondiale, présidée par le prix Nobel, Joseph Stiglitz, a réclamé l'établissement d'un Conseil économique mondial de l'ONU pour remplacer le G20. R. L. In Afrique Renouveau, magazine de l'ONU