«Oyez… oyez», «Barani… bara». Bien loin le temps où les habitants d'une cité, d'une part, les visiteurs étrangers, d'autre part, étaient tenus informés des affaires de celle-ci pour les premiers et qu'ils devaient la quitter pour les seconds parce que ses portes allaient être fermées. Aujourd'hui, à leur corps défendant, les gens sont obligés d'avaler l'overdose de décibels du vendeur d'eau de Javel, de sardines et de pommes de terre qui manquent de se crever les tympans, lui-même, à force de hurler dans son mégaphone. Bizarre progrès que ce bidule qu'on retrouve dans les tribunes des stades entre les mains de harangueurs de supporteurs ou encore d'animateurs de débrayage corporatifs. Des attitudes peu soucieuses des désagréments causés aux personnes non concernées par ces témoignages parfois trop expansifs. Les nôtres excellent aussi à faire la noce, et, contrairement aux bonnes vieilles habitudes qui voulaient que les cérémonies heureuses aient lieu une fois par semaine et, comble du paradoxe, strictement réglementées en matière de nuisances sonores, ont lieu maintenant tous les jours pour n'importe quoi et, pis, ne sont tributaires d'aucune contrainte administrative. L'heure étant à l'ostentation, c'est donc à qui fera plus de bruit que tous les autres. Les décibels agressent continuellement le citoyen lambda. Il y a celui qui considère qu'il est de son devoir de faire écouter à tout le monde la musique livrée à l'excès par son autoradio, le revendeur de CD, cassettes ou autres bandes magnétiques d'en faire de même pour attirer la clientèle. Ses locaux étant, ironie du hasard, parfois accolés aux organismes chargés de réglementer l'activité. Enfin, comme chacun de nous a appris à écouter tout et n'importe quoi en y mettant la gomme, les enfants ne sont pas en reste, eux, dès qu'ils quittent l'école en se branchant sur leur baladeur, se dirigent ensuite vers un cybercafé pour se «brancher», cette fois-ci, sur une console comme un nouveau-né se branche naturellement sur le sein maternel. Tout cela conduit au fait que, pour se faire entendre d'un vis-à-vis, il y a d'abord nécessité de s'écouter parler soi-même, d'où cette malheureuse obligation de parler fort, un itinéraire que tout le monde emprunte et qui conduit à ce qu'on peut qualifier de dialogue de… sourds. En conclusion, si les gens ne s'écoutent plus, dans la majorité des cas ce n'est pas par irrespect. C'est tout simplement qu'ils n'ont plus les moyens de s'écouter. A ceux qui feraient exception, nous dirons… A bon entendeur… A. L.