Photo : Riad Par Abderrahmane Semmar C'est sous un ciel alternant grisaille et douces lumières que les habitants de Boumerdès ont accompli hier leur devoir électoral. La ville, qui a fait sa mue depuis le terrible séisme de 2003, a vécu au rythme du scrutin présidentiel. Un rendez-vous électoral dans lequel de nombreux citoyens ont placé de grands espoirs pour un avenir meilleur. Il faut dire que le séisme de mai 2003, qui a marqué d'un sceau indélébile la mémoire collective de toute la wilaya de Boumerdès, a légué une détresse dont les conséquences et les effets se font ressentir jusqu'à aujourd'hui sur le quotidien de la population locale : des milliers de sinistrés attendent leur relogement, un taux de chômage élevé dans les localités avoisinantes, qui frappe de plein fouet les jeunes, et l'insécurité de plus en plus grandissante alimentée par des groupuscules terroristes qui continuent à écumer le maquis de Boumerdès. Le Rocher Noir se débat toujours dans de multiples problèmes freinant terriblement son développement local. «Mais l'espoir est permis. Je suis sûr que, dans les cinq années à venir, notre wilaya se portera beaucoup mieux. Pas mal de projets ont été initiés ces dernières années. Un deuxième souffle redonnera espoir à notre jeunesse. C'est pour cela que j'ai voulu donner ma voix aujourd'hui au candidat qui est capable de remettre le pays sur les rails», confie Cherifa, 50 ans, cuisinière dans une cantine scolaire, le visage encadré par un voile coloré et auréolé d'yeux marron d'où jaillit une lueur d'espoir. Ainsi, animés par le même état d'esprit, des citoyens et citoyennes, comme Cherifa, ont été nombreux, à prendre d'assaut dès la matinée de ce 9 avril les 188 centres de vote et 805 bureaux répartis sur l'ensemble de la wilaya de Boumerdès. 442 bureaux de vote étaient réservés aux hommes et 363 aux femmes. Pour assurer le bon déroulement de cette élection, 6 575 encadreurs ont été réquisitionnés par la wilaya. Un dispositif sécuritaire impressionnant a été également déployé le long des artères de la ville, dont les rues ont semblé désertes et peu animées. Une ambiance ordinaire a régné aussi dans les bureaux et les centres de vote. Et pour cause, parmi les 430 611 électeurs composant le corps électoral de toute la wilaya de Boumerdès, reconnaissent sans ambages les responsables de la wilaya, les jeunes ne sont guère représentés dans des proportions importantes. Dans ce contexte, il était vraiment rare de croiser un jeune dans les bureaux ou les centres de vote de Boumerdès. «Moi, je suis venu voter car j'estime que c'est important de faire valoir ma voix. Depuis hier soir j'essaie de convaincre mon fils d'aller voter, en vain. Il ne veut rien entendre car, pour lui, tout est corrompu d'avance. Il ne pense qu'à quitter le pays, c'est vraiment malheureux. Il me rend très triste», avoue, sur un ton amer, Aïcha, 45 ans, dont il arrive souvent de ne pas fermer l'œil toute la nuit, méditant sur la condition de son jeune fils, chômeur et désespéré. «Moi aussi, mes jeunes enfants n'ont pas voté car, ici à Boumerdès, les autorités n'ont rien fait pour eux. C'est vraiment injuste. J'ai voté Bouteflika comme en 2004 et je le prie de tendre sa main à nos enfants. Sinon, c'est tout l'avenir de l'Algérie qui est compromis», dira, du haut de ses 75 ans, hadja Zhour, qui nous fait part de «l'état piteux dans lequel se retrouve désormais Boumerdès, naguère l'une des plus belles villes d'Algérie». Nous apostrophant de loin, Abdelkader, 27 ans, tient à nous parler de sa mésaventure à la daïra de Boumerdès, laquelle l'a poussé à voter hier en dépit du désintérêt porté à cet évènement. «La semaine dernière, on m'avait demandé la carte de vote pour renouveler mon passeport ! Je leur ai dit que les formulaires administratifs ne mentionnaient pas ce document pour le renouvellement du passeport. Mais, les agents d'administration n'ont pas cherché à comprendre. C'est pour cela que je suis venu voter. En réalité, on m'a obligé à voter. C'est pas juste», peste le jeune homme qui s'interroge sur le bien-fondé d'une telle mesure. Dans les rues, les cafétérias, les salles de jeux, les places publiques, force est de constater que les jeunes ne s'emballent nullement pour le scrutin présidentiel. La rareté du travail, la cherté de la vie, la hogra, l'inexistence de lieux de loisirs sont les préoccupations principales des jeunes de Boumerdès. Toutefois, à Boumerdès, il n'y a pas que les jeunes. Des pères de famille, des retraités, des femmes au foyer se sont déplacés en force pour accomplir leur devoir électoral. A 14h, ils étaient au moins 81 703 à voter, soit près de 19% du corps électoral. Ils croient dur comme fer à ce rendez-vous électoral. Mais eux aussi comprennent le désenchantement des jeunes. Un désenchantement nourri par tant de désillusions et d'injustices. Le 9 avril changera-t-il les choses ? A Boumerdès, tout le monde l'espère.