Des centaines de milliers, pour ne pas dire des millions d'Algériens, sont sortis dans les rues, samedi, pour manifester… leur joie. A l'unisson. Sans mot d'ordre ni manipulation politique. L'objet de la liesse est une victoire dans un match de football. L'équipe nationale algérienne a battu, sur le score de 2 à 0, son homologue zambienne, sur son terrain. Cette rencontre comptant pour les éliminatoires combinées de la Coupe du monde et de la Coupe d'Afrique des nations 2010. Avant même la fin du match, le peuple commençait déjà à fêter la victoire. Les rues algériennes furent envahies par des foules brandissant fièrement l'emblème national. L'Algérie était en vert, blanc et rouge. Trois couleurs pour un espoir. Devant cette euphorie plus rien n'avait d'importance. Le qamis et le short, le hidjab et le décolleté se sont frôlés, enlacés, embrassés. Voitures luxueuses et autres vieux tacots, décorés aux couleurs nationales, surchargés de jeunes et moins jeunes, d'hommes et de femmes, ont sillonné les villes pare-choc contre pare-choc et klaxonnant à l'unisson. L'Algérie a chanté, dansé, «youyouté» de la fin du match au petit matin. Un volcan de joie s'est réveillé. La charge est sortie. Explosée. Le mot d'ordre informel et spontané semblait être : faire du bruit. Samedi 20 juin, l'Algérie et son peuple ont fait du bruit. Mais dans la vie, rien n'est hasard et tout a un sens. Que voulait exprimer le peuple algérien par cette explosion de joie ? Plusieurs choses. L'Algérien a en lui ce sentiment de fierté, depuis des décennies, qu'il n'arrive pas à justifier. Pourtant, les raisons ne manquent pas. Cette terre d'Algérie a été bâtie sur le sang, celui des martyrs de plusieurs tyrannies. Ce peuple a résisté plus que de raison. Il avait de fortes raisons de plier et sans qu'il en soit méjugé. D'autres y ont cédé. Lui a tenu bon. Il continue à donner ses enfants pour que l'Algérie reste debout. Algérie, la Mecque des révolutionnaires, ne peut flancher. C'est son peuple qui l'a décidé.En retour, ce dernier a été lâché par tout le monde. Isolé, esseulé, mis en quarantaine, suspecté. On a même tenté de mettre ses exploits en veilleuse et transformer sa fierté en arrogance. Que cela lui serve de leçon. La leçon est assimilée. On ne peut faire confiance qu'a soi. Le peuple algérien renaît. Par césarienne et aux forceps, il veut émerger. Son économie et ses conditions sociales ont régressé, qu'à cela ne tienne, il fera face comme contre le fondamentalisme. A une condition : lui faire miroiter une étincelle d'espoir. Il fera le reste. Emigration clandestine, drogue, corruption et incivisme sont des fléaux qui sont assimilés à ce peuple. On veut absolument le convaincre de sa médiocrité. Triste reconnaissance. L'Algérie aurait cédé au fondamentalisme et toute la Méditerranée en aurait payé le prix. Mais cela, apparemment ne pèse pas. Les Algériens ont besoin de reconnaissance. Ils aspirent à une représentation internationale qui soit digne d'eux. Ce que la politique, la culture et les scientifiques n'ont pu faire, l'équipe nationale de football a réussi. D'ores et avant, les Algériens sont conquérants, volontaires, dignes et fiers. Samedi, aucun Algérien n'a pensé à la harga. S. A.