Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili «C'est une année exceptionnelle», «Une année exceptionnelle ? Loin s'en faut, elle ne le sera jamais. En fait chaque année c'est la même rengaine chez les officiels.» Difficile de séparer le bon grain de l'ivraie finalement selon le bord où on se place. Bien entendu, les responsables des directions des services agricoles jurent à qui veut les croire que «2009 sera l'année des records ou du moins de l'également de celui l'année écoulée en matière de production céréalière» au moment où les dirigeants de la chambre d'agriculture confirment ces propos sauf qu'ils les nuancent en soulignant que «la campagne moissons-battages portera ses fruits à ceux qui se sont réellement investis pour ce faire. Autrement dit-elle sera exceptionnelle pour, au grand maximum, une dizaine d'agriculteurs parmi les plus importants de la région». Résumons la situation. Pour la direction des services agricoles la prévision est de l'ordre de 1 250 000 quintaux qui pourraient être accompagnés possiblement d'un bonus jusqu'à fermer la boucle des 1, 5 million.M. A. Mechaer, chef de service production affirme que «toutes les dispositions ont été prises pour que tout se déroule dans les meilleures conditions. 13 points de collecte ont été désignés et d'autres espaces ont été loués auprès du groupe Smide pour faire l'appoint au cas où se confirmerait le surplus envisagé». Des mesures assouplies pour le paiement des producteurs Notre interlocuteur ajoute que «la particularité pour cette année est que les producteurs seront payés rubis sur l'ongle dans un délai qui n'excederait pas les 72 heures suivant la livraison de leur produit». Enfin s'agissant des mesures de protection contre les incendies, A. Mechaer précisera qu'il n'y a aucun risque de ce côté, «toutes les mesures idoines ayant été prises». Ce qui n'empêche pas toutefois que 187 ha sont déjà partis en fumée, les sinistres s'étant déclarés un peu partout ces derniers temps….toujours selon nos interlocuteurs et ce, même si la nature a plutôt été clémente ces dix derniers jours, à telle enseigne que le président de la chambre d'agriculture, N. Achouri s'est dit «surpris que certains agriculteurs aient déjà entamé les moissons alors que la température ambiante ne s'y prêtait pas encore». S'agissant de la protection des champs, le président de la chambre est demeuré très sceptique sur les moyens réputés mis à la disposition des parcelles essaimées sur les douze communes. «Alors que nul n'ignore que le plus gros des équipements de la Protection civile sont domiciliés dans le chef-lieu de wilaya sinon encore dans les daïras les plus importantes. Or, au moindre incident, le temps qu'arrivent les secours, un champ donné aura eu tout le temps de disparaître….Nous vous citerons à titre d'exemple la région de Benbadis… la plus vaste et la plus importante dont le point de secours le plus proche et le plus conséquent se situe à 50 km. Nous vous laissons le soin de faire les déductions qui s'imposent.» Le président de la chambre d'agriculture reste convaincu que les cadres de l'administration restent «otages des chiffres et de statistiques. C'est vrai qu'ils sont tenus de fournir des informations à la tutelle et forcément, ils ne peuvent que donner les chiffres flatteurs qui les protègent et font illusion pour les autres. Il n'est pas question pour nous de minimiser les performances de cette année et la qualité exceptionnelle de la production, mais sauf qu'il faudrait la mettre sur le compte des professionnels…les vrais, ils ne sont pas nombreux mais ils ont fait des choses extraordinaires parce qu'ils se sont investis de bout en bout toute l'année pour qu'il en soit ainsi. Leur satisfaction est d'abord personnelle, c'est le sentiment du devoir accompli, de la maîtrise du métier sur une nature complexe pour ne pas dire l'adversité». De nombreux engins à l'arrêt faute de pièces de rechange Pourtant, aux yeux de notre interlocuteur, d'autres céréaliers rencontrent d'énormes difficultés à préparer les moissons en raison de moyens (moissonneuses-batteuses) limités. De nombreux engins sont à l'arrêt faute de pièces de rechange et la substitution habituelle qui consistait à faire appel à des équipements en dormance dans les autres wilayas n'a pu être obtenue, en ce sens que lesdites wilayas, contrairement aux années passées, connaissent elles-mêmes une saison céréalière exceptionnelle. Quant aux capacités de stockage, N. Achouri balaye du revers de main les certitudes de l'administration : «Ce n'est qu'une impression parce que le démarrage est encore timide, mais une fois la campagne battant son plein, c'est sûr que cela va faire désordre.» Complexes donc les raisonnements des uns et des autres et il faudrait bien expliquer les annonces officiellement faites en avril dernier, devant le ministre de l'agriculture en visite à Constantine, et claironnant une année exceptionnelle et le scepticisme de ceux qui affirment le contraire. Alors à la question que nous avons posée A. M un agriculteur, pour nous expliquer le dualisme dans les propos, celui-ci répondra : «C'est simple…l'administration a décidé que ce sera 1,250 quintaux. Sur le papier, ça le sera, quant à la réalité…c'est aussi simple n'importe qui vous répondra que ce qui n'a pas été acquis par les centres de collecte relève de la rétention personnelle des agriculteurs qui gardent une partie pour un usage discrétionnaire (!!!) ». Et cet agriculteur d'ajouter encore «Ce chiffre ne sera jamais atteint dans la mesure où sur un bon nombre de champs, la récolte a été échaudée et l'épi s'il est là…visible… il est aussi vide qu'une coquille de noix.» Concluons enfin sur le fait que, si la production annoncée est atteinte, l'évaluation financière ne peut que laisser une très grosse satisfaction. Il s'agira quand même d'une récolte valant au coût officiel d'achat du blé 5 000 000 000 de dinars.