L'alerte provient de partout : des milliers de travailleurs sont menacés de licenciement. A Alger, ce sont plus de 300 ouvriers du port qui risquent de perdre leur emploi dans les jours à venir. A Corso, dans la wilaya de Boumerdès, les agents de sécurité de l'Eriad protestent quotidiennement contre une décision de licenciement qui a touché une vingtaine de personnes. A El Hadjar, le sort de plus de 5 000 travailleurs du complexe sidérurgique est entouré d'incertitudes. S'il est admis que ce n'est guère la première fois qu'une telle vague de contestation syndicale se manifeste à travers tout le pays, il ne faudrait pas néanmoins faire l'économie d'une nécessaire évaluation de l'écho que cela a suscité à plusieurs niveau aussi bien chez les institutions qu'auprès des représentants du peuple qui, décidément, sont plus préoccupés par la préparation des vacances dorées qu'ils allaient passer ailleurs au moment où des milliers d'ouvriers risquent de se retrouver au chômage. Ce n'est pas la nature des revendications qui a poussé les officiels à ignorer la contestation des travailleurs de différents secteurs. Les revendications des travailleurs sont tellement sincères et au-dessus de toute «tentation de sabotage» qu'elles méritent un traitement sérieux et dans le fond afin d'éviter une déstabilisation des entreprises. Face à un cri de détresse, on a préféré la sourde oreille. Le silence assourdissant devant la colère sociale est visiblement porteur de plus d'un danger. Cela montre, d'une part, que l'on ne se soucie qu'épisodiquement de ce qui se passe dans ce monde qui fait bouger le pays. La récurrence de ce genre de mouvement prouve incontestablement que le monde du travail en Algérie est loin de fonctionner selon les normes qui définissent les devoirs et les droits de chaque acteur. D'autre part, les pouvoirs publics sont en train de dévaloriser la notion de travail en opposant mépris et indifférence à une protestation sociale des plus régulières. L'insistance des responsables à ne pas entendre le cri de détresse des travailleurs ne sera pas sans semer au sein de la société «l'idée» du gain sans l'effort. La menace de licenciement brandie contre des milliers de travailleurs ne manquera pas également d'influencer négativement les projets de création d'emplois notamment au profit de la jeunesse. Promettre une lutte efficace contre le chômage ne servira personne quand on n'est pas en mesure de maintenir les postes existants. Le défi de l'emploi ne se réduit pas à une arithmétique de chiffres. Il est, en revanche, relevé quand on parvient à sauvegarder les postes tout en créant de nouveaux et de façon à satisfaire la demande qui se renouvelle sans cesse. La valeur de toute politique d'emploi se mesure à sa capacité de générer de nouveaux postes sans qu'aucun travailleur vive le spectre de licenciement. A. Y.