Photo : Zoheïr Par Hasna Yacoub Il y a six mois, le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, annonçait la couleur : «Alger serait totalement sécurisée en matière d'alimentation en eau potable [AEP] après l'achèvement en février et mars prochains de plusieurs projets. Dès l'été, l'eau coulera des robinets 24h/24.» C'est l'été, et les Algérois, dans de nombreux quartiers de la capitale, ne sont plus dans l'obligation d'organiser leur quotidien en prenant en compte la tranche horaire de distribution de l'eau. Seules certaines agglomérations, notamment celles de la côte ouest, sont approvisionnées de manière régulière, un jour sur deux. Cette alimentation alternée n'est pas due à la rareté de cette denrée, mais plutôt aux travaux de rénovation du réseau par la SEAAL, la Société des eaux et de l'assainissement d'Alger, en charge, depuis 2006, de la gestion des réseaux publics d'assainissement et d'eau potable d'Alger. L'opérateur entend réaliser des actions immédiates de maintenance renforcée, lesquelles améliorent la fiabilité des usines, la sécurisation de la désinfection de l'eau potable et le renforcement du contrôle de la qualité de l'eau distribuée. La mobilisation de moyens modernes de recherche de fuites ou l'installation de régulateurs de pression intelligents fait aussi partie de ses projets. La SEAAL s'est engagée à alimenter Alger en eau potable H24, au plus tard en septembre 2009. La station d'El Hamma «inonde» Alger Actuellement, l'alimentation de la capitale en eau potable se fait à partir du barrage de Keddara dont le taux de remplissage en mars dernier a atteint 90%, pour une capacité de 146 millions de mètres cubes. Alger est également alimentée à partir du petit barrage du Hamiz, dont le niveau est à 13 millions de mètres cubes (pour une capacité de 17 millions de m3). La nouveauté réside dans la consolidation de l'alimentation en eau de la capitale avec l'adduction assurée à partir du barrage de Taksebt, d'un volume initial de 180 000 m3/j, qui sera porté à 380 000 m3/j. Les capacités d'alimentation d'Alger sont renforcées, enfin, par la station de dessalement de l'eau de mer d'El Hamma. Cette station, la plus grande d'Afrique, inaugurée en février 2008, a une capacité de dessalement de 200 000 m3/j. Sa réalisation, confiée à Ge Ionic, a coûté quelque 248 millions de dollars. Cette société américaine détient 70% du capital de Hamma Water Dessalination (HWD, joint-venture avec Sonatrach, Sonelgaz et l'Algérienne des Eaux). Elle a pour mission la réalisation, l'exploitation et la maintenance de ce complexe. Le renforcement en alimentation des autres régions du pays a également été prévu dans le schéma directeur de l'eau tracé jusqu'à 2040 par les pouvoirs publics, afin de faire face à la rareté de l'eau. Plus de 1,4 milliard de m3 ont été emmagasinés cette année dans les barrages de l'est du pays. A cela s'ajoutent les projets réalisés ou en cours de réalisation, lesquels permettront une meilleure alimentation à cette région. Il y a, à titre d'exemple, le complexe hydraulique de Beni Haroun. Pourvu d'une capacité de 960 millions de mètres cubes, l'ouvrage a été inauguré en septembre 2007. Ce projet, vieux de 40 ans, doit alimenter les wilayas de Constantine, de Mila, de Jijel, de Batna, d'Oum El Bouaghi et de Khenchela. Beni Haroun : trois milliards de dollars et des infiltrations Le barrage de Beni Haroun, dont le montant de réalisation avoisine les trois milliards de dollars, ne peut être cité sans référence aux imperfections durant sa réalisation, lesquelles ont fait «piqué une crise de nerfs» au président de la République lors de sa visite à Mila. Cette infrastructure souffre d'infiltrations d'eau par les fondations, et ne peut être rempli, actuellement, qu'à hauteur de 50%, au risque de provoquer des dégâts irréparables. Le Président a exigé une expertise étrangère pour prendre en charge ce problème. Toujours dans l'est du pays, deux grands barrages, ceux de Draa Diss et de Mahouane, seront construits respectivement à El Eulma et à Sétif, à l'horizon 2009. D'une capacité supérieure à 50 millions de mètres cubes chacun, leur construction se fait dans le cadre du grand projet de transfert Hodna-Sétif, destiné à sécuriser les wilayas de Jijel et de Sétif en eau potable à travers l'interconnexion des quatre barrages Erraguene, Tabellout, Draa Diss et Mahouane. Une interconnexion qui permettra ainsi à l'une des régions, en cas d'un déficit en eau, de faire appel à l'autre. A Batna, onze retenues collinaires, d'un montant global de 852 millions DA, ont été inscrites au programme complémentaire 2007. Trois de ces retenues ont été réceptionnées dans les communes de Seggana, d'Aïn Touta et d'Oued Taga, avec une capacité globale de 4,2 millions de m3 destinés notamment à l'irrigation. Les travaux de réalisation d'autres retenues dans les communes de Djezzar, d'Aïn Touta, de Rahbat, de Menaa, de Boumia, d'Ouled Si Slimane, d'Ichemoul et d'Ayou lassafir atteignent des taux d'avancement variant entre 10 et 75%. Quinze millions de dinars sont mobilisés pour la réalisation du barrage d'El Arach, dans la commune d'Ouled Amar. Douze autres millions de dinars sont mobilisés pour l'étude de la réalisation d'un petit barrage à Seguia, dans la partie sud de la wilaya. Le dessalement, l'option idoine pour l'Ouest A Jijel également, des projets hydrauliques structurants à même de combler les insuffisances en matière d'AEP et d'irrigation sont en cours, lesquels consistent à transférer l'eau à partir des barrages d'Erraguene (wilaya de Jijel) et d'Ighil Emda (Kherrata, wilaya de Béjaïa) vers les futurs ouvrages de retenue programmés à Draa Eddis, à proximité d'El Eulma, et à Mahouane, près du chef-lieu de wilaya. Un volume annuel global de 313 millions de mètres cubes sera ainsi transféré à partir des deux barrages, en vue de fortifier le développement social et économique de toute la région. Parmi les 13 stations de dessalement prévues à l'horizon 2009, certaines sont implantées dans l'Est. C'est le cas notamment de la station d'El Tarf, d'une capacité de 50 000 m3/j, et celle de Skikda, un projet d'une capacité de 100 000 m3/j. dans l'Ouest où, pendant des années, les nombreux plans d'urgence pour compenser le déficit en ressources hydriques de cette région ont échoué, les choses semblent s'améliorer. Les 13 barrages de la région ouest, source essentielle de l'AEP à hauteur de 70% (les 30% restants viennent des forages), ont atteint, en avril dernier, un taux de remplissage global de 45,75%, contre 19,76% à la même période de 2007. Cette quantité ne suffira pas à l'alimentation des wilayas de l'ouest. C'est dans cette région que l'Etat a décidé d'implanter le plus grand nombre de stations de dessalement, dont l'une sera la plus importante au monde. Un investissement de 500 millions de dollars pour un projet qui s'étale sur 18 hectares, dans la commune de Mers El Hadjadj, qui abritera l'usine de dessalement de l'eau de mer de Mactaa (wilaya d'Oran), d'une capacité de production par osmose inverse de 500 000 m3/jour à l'horizon 2011. C'est Sonatrach qui, à travers la société mixte Algerian Energy Company (AEC), dont elle est actionnaire à hauteur de 50%, est derrière ce projet. Mais pas seulement, puisqu'elle a initié un programme qui comprend treize unités réparties dans plusieurs régions, lesquelles ont été mises en chantier en partenariat avec des sociétés étrangères. La première unité de dessalement de l'eau de mer, Kahrama, située dans la zone industrielle d'Arzew, à Oran, a une capacité maximale de 90 000 m3/j. La station de Mactaa est en projet. L'usine a été confiée à Hyflux, une société singapourienne, réputée dans les techniques de dessalement de l'eau de mer. Elle a proposé un délai de réalisation ne dépassant pas vingt-huit mois. En plus de ces deux stations, une série d'ouvertures publiques des plis de sociétés ayant soumissionné pour des usines de dessalement de l'eau de mer a été effectuée dernièrement. Elle a concerné, entre autres, les projets de stations de dessalement de Ténès (Chlef), 200 000 m3, Oued Sebt (Tipasa), 100 000 m3, et El Tarf, 50 000 m3. Il est attendu que l'ensemble des unités de dessalement de l'eau de mer programmées soit opérationnel avant 2011. 12 milliards de m3 mobilisés en 2040 De manière globale, les projets du secteur de l'eau retenus en Algérie sont des investissements estimés à douze milliards de dollars pour la période 2005-2010. Actuellement, 13 nouveaux barrages sont en cours de réalisation dans différentes wilayas du pays. Leur achèvement, prévu à l'horizon 2009, portera le nombre total à 69 barrages. L'année 2009 devra voir également la réception de trois usines de dessalement : deux unités à Souk Tlata et à Honaine (Tlemcen) avec une capacité de 200 000 m3/j chacune, et celle de Mostaganem, 200 000 m3. Elles seront également suivies en 2010 de l'unité de Fouka (Tipasa) pour 120 000 m3/j, de cap Djinet (Boumerdès) pour 100 000 m3/j, d'El Taref pour 50 000 m3/j, de Ténès (Chlef) pour 200 000 m3/j et d'Oued Sebt (Tipasa) pour 100 000 M3/j. Ces stations font partie du programme global de 13 stations de dessalement programmées à travers l'Algérie pour les deux prochaines années. Elles doivent assurer une production supplémentaire d'eau potable de l'ordre de 2,3 milliards m3 par jour. A l'horizon 2025, l'Algérie mise sur la réalisation de 43 usines de dessalement. Il s'agit là d'un petit aperçu du schéma directeur de l'eau tracé par les pouvoirs publics afin de faire face à la rareté de l'eau. «Ainsi, en 2009, le nombre de grande infrastructure de mobilisation atteindra 69 barrages et 26 grands transferts pour une capacité totale de 7,2 milliards de m3. Cette capacité devra passer, pour l'ensemble des eaux conventionnelles eaux souterraines comprises, à 11 milliards de m3 en 2025 et 12 milliards en 2040», avait annoncé le président Bouteflika lors de la célébration de la Journée mondiale de l'eau en 2007. «Avec une dotation quotidienne moyenne par habitant de 150 litres et des taux de raccordement de 90% pour l'eau potable et de 85% pour l'assainissement, l'Algérie, qui a déjà atteint les objectifs de développement du millénaire en matière d'accès à l'eau potable et à l'assainissement, consolidera ces acquis à partir de 2009, en assurant un rééquilibrage entre les régions et les usages ainsi qu'une équité dans la dotation», avait encore ajouté le chef de l'Etat.