De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Après une période de vaches maigres qui aura duré près d'une décennie, la Coquette renoue avec l'ambiance des spectacles, des grandes manifestations culturelles à l'échelle continentale et les grandes soirées musicales. C'est une véritable bouffée de «culture» qui s'étale sur près de deux semaines à laquelle Annaba a eu droit en cette période estivale qui connaît une affluence record avec l'arrivée de milliers de touristes. Le Panaf y a élu domicile et s'y est installé avec une pléiade d'artistes venus de toute l'Algérie mais aussi de l'Afrique qui a voulu marquer son passage dans cette ville éprise de culture. Ainsi, la plage Chapuis est devenue ces derniers jours le rendez-vous quotidien des estivants mais aussi et surtout des mélomanes qui viennent d'un peu partout pour assister aux concerts qui y sont donnés et qui se poursuivent jusqu'au petit matin. Toute la ville vibre au rythme de ces musiques qui ont traversé les espaces et les temps pour venir caresser et bercer des oreilles qui savent apprécier et qui se délectent de ces sons qui transportent et enivrent. Le théâtre de plein air situé juste derrière la maison de la culture s'est avéré, ces derniers jours, trop exigu pour accueillir les centaines de familles venues assister aux différents concerts et spectacles programmés. Il a fallu mobiliser un service d'ordre avec des consignes strictes pour pouvoir canaliser et installer tout le monde sur les gradins tout en veillant à la sécurité de tous. Les agents de police, très vigilants, n'ont rien laissé au hasard et tout est filtré, il fallait réussir la première «entrée» et ce fut la star algérienne, notre Zahouania, qui inaugura le premier spectacle. Elle fut accueillie par un tonnerre d'applaudissements et de youyous poussés à gorges déployées par des femmes qui lui souhaitaient la bienvenue. La reine du raï chanta l'amour, la vie et le bonheur et, prise par le rythme de cette musique de l'Ouest algérien, se surpassa et put enchanter les centaines de spectateurs qui répétaient après elle les paroles de ses chansons. Durant cette soirée mémorable, la grande Dame de la chanson algérienne avait subjugué un public qui lui était déjà acquis et qui en voulait encore plus. Zahouania, devant tant de sollicitude, avait plié à plusieurs reprises pour reprendre des chansons que le public réclamait et il faut dire qu'à chaque fois, elle entrait dans les cœurs et berçait par sa voix empreinte de complaintes qui touchaient tous ceux qui l'écoutaient. Nullement grisée par l'engouement et l'enthousiasme du public, la diva continua à chanter sur le même ton jusqu'à une heure avancée de la nuit. Les soirées suivantes verront défiler au théâtre de plein air de grands noms de la chanson algérienne et africaine, Freeman, Lotfi Double Kanon, Djamel Laroussi, Hakim Salhi, Cheb Khalas, Izouran, Samir Staifi, Naïma Ababsa, Abdou Deriassa, Askrem, Cheb Billel et Cheb Fodil. Cette «projection» du Panaf a éclairé la ville de Annaba qui veut reconquérir sa place d'antan et se compter parmi les grandes villes du pays où la culture est adulée et chérie. «Nous sommes vraiment très heureux d'accueillir le Panaf ici à Annaba, cette ville n'a pas été oubliée, bien au contraire, les autorités supérieures lui ont consacré une grande partie des spectacles qui devaient se dérouler à Alger et c'est un grand honneur. Il faudrait que le public annabi, épris de culture, en profite et nous savons qu'il apprécie beaucoup ce geste, la preuve, ce nombre impressionnant de personnes qui assistent aux différents concerts», nous déclare le directeur de la culture de la wilaya. Côté public, c'est l'engouement et l'enthousiasme, c'est un vrai bonheur qui se lit sur les visages de tous ceux qui ont assisté aux spectacles. «C'est vraiment magnifique, nous dit Nadia, une jeune fille accompagnée par son père, maintenant nous pouvons sortir le soir, non pas pour aller du côté du boulevard près de la mer et s'y promener mais pour venir ici dans ce théâtre de plein air et profiter de tous les spectacles qui y sont donnés. Cela m'a permis de voir des artistes sur scène, de chanter avec eux et de vibrer, çàam'a changée et j'en redemande ! A mon avis, il faut multiplier ce type de festivals pour intéresser encore plus le public et surtout les jeunes, ils ont besoin de se défouler et de se sentir vivre, c'est l'occasion rêvée pour eux !» Pour Samir, étudiant, c'est la première fois qu'Alger «daigne» s'occuper des villes de l'intérieur pour promouvoir la culture. «C'est une aubaine pour Annaba qui a été longtemps ignorée. Nous avons été sevrés de culture depuis quelques années. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas eu du tout mais cela était très insuffisant et très limité dans le temps. Avec le Panaf, nous avons été ‘‘gâtés'' et personnellement, je voudrais que ce type de manifestations dure et se prolonge, cela stimulera la création chez les jeunes étudiants des Beaux Arts dont beaucoup assistent aux spectacles. Il faudrait que la culture touche tout le monde même ceux dits ‘‘imperméables'', il faudrait un véritable bain de culture pour que tous puissent profiter. ‘‘Enfermer'' le Panaf à Alger aurait été une erreur, heureusement qu'il y a encore des gens qui réfléchissent et c'est tant mieux pour nous tous», dira-t-il. Sur le cours de la Révolution, cœur battant de la Coquette, on ne fait que parler du Panaf pour raconter ce qui s'est passé au théâtre la veille, on discute, on parle musique, on apprécie telle ou telle représentation, tel ou tel spectacle et on oublie pour quelques moments les aléas de la vie pour se découvrir un brin artiste et reprendre un air ou une chanson entendue. Cela ravive dans les esprits les jours heureux et les soirées d'antan qui rapprochent les hommes entre eux et resserrent encore plus les liens qui les unissent parce que ayant vécu et ressenti les mêmes émotions et sentiments. Et n'est-ce pas là le but de la culture ?