De notre correspondant à Bejaïa Kamel Amghar L'athlétisme algérien est manifestement en crise. La longue période de vaches maigres risque de durer quelques années encore. A défaut de relève digne, la discipline enchaîne les contre-performances sur le double plan international et continental. La maigre récolte des 16es Jeux méditerranéens de Pescara (Italie), au mois de juillet dernier, témoigne de cette hibernation qui se prolonge indéfiniment. Depuis les JM de Tunis (2001) en passant par ceux d'Almeria (Espagne 2005), nos capés ont cédé plusieurs places au classement général dans la région du grand bassin. Avec une maigre moisson de 17 médailles (2 en or, 3 en argent et 12 en bronze, toutes disciplines confondues), l'Algérie -représentée par une forte délégation de 118 athlètes- a nettement régressé pour occuper le 14e rang à l'échelle méditerranéenne. La même courbe descendante dépeint aussi nos participations aux jeux Olympiques et aux différents championnats du monde. La moisson de Sidney 2004 est bien meilleure que celle de Pékin 2008. Barcelone, c'était encore mieux que Sidney. Nos aspirations pour les JO de Londres sont incertaines. On doit, à ce propos, souligner fortement le peu d'intérêt accordé aux jeunes catégories. Par manque de moyens de préparation et en l'absence d'encouragements et de mesures incitatives, les jeunes espoirs de l'athlétisme algérien sont aussi sur la même pente déclinante. La piètre prestation de nos juniors aux 9es Championnats d'Afrique, qui viennent de s'achever à l'île Maurice, en est la parfaite illustration. Occupant la 6e position (avec seulement 2 médailles en or, 4 en argent et 2 en bronze), notre pays s'est, là aussi, laissé distancé par les autres nations africaines. Les Sud-Africains ont, pour information, raflé la mise en s'adjugeant la première place avec 22 médailles, dont 11 en or. L'écart est énorme. Malgré les gros budgets alloués au secteur, le système sportif national -et cette discipline de l'athlétisme en particulier- n'arrive même pas à rééditer ses exploits passés. Il nécessite visiblement un profond toilettage afin de mettre tous les acteurs (responsables et sportifs) devant leurs responsabilités. La formation à la base, la bonne préparation des élites et une gestion rigoureuse des fonds publics consacrés aux sports sont autant d'impérieuses priorités pour renouer avec les consécrations. Il faut impérativement mettre un terme à l'improvisation et à l'incertitude qui prévalent en ce moment à tous les niveaux de la hiérarchie. Les talents existent à profusion aux quatre coins du pays. Il suffit juste de s'en occuper sérieusement pour en faire des héritiers dignes aux grands champions comme Morceli, Boulmerka, Merrah, Seyyaf, Guerni et tant d'autres encore. A défaut de véritable prise en charge, nos meilleurs athlètes préfèrent aujourd'hui jouer «les lièvres» pour assurer leurs arrières. Ils sont nombreux, en effet, à jouer le «sparring-partner» dans les compétitions officielles au lieu de se présenter avec la ferme intention de prendre la tête de la course. Ainsi, ils seraient matériellement mieux récompensés. Il est quand même paradoxal de se voir mieux rémunérer par un concurrent qu'on «accompagne» vers la victoire que par son propre pays en cas de réussite. Il est grand temps de penser à cette dangereuse question pour redonner toute sa valeur à l'exploit. C'est dans ce climat délétère que l'Algérie sera prochainement représentée au 12es Championnats d'athlétisme de Berlin (15-23 août). Les cinq athlètes algériens qualifiés pour ces joutes doivent honnêtement se dépenser à fond rien que pour gravir les plus hautes marches du podium. C'est la seule voie honorable qui s'offre à eux pour redonner à leur discipline ses lettres de noblesse. La tutelle et les instances sportives nationales se doivent, à leur tour, d'estimer les prouesses techniques réalisées à leur juste valeur. Autrement, c'est la culture de «l'échec bien rémunéré» qui finira par ruiner tout le système.