De notre correspondant à Constantine A. Lemili Chaque ville du littoral à l'est du pays a une plage plus populaire que d'autres. Il en est ainsi de Jijel avec celle autour de laquelle est bâti le cœur de la ville, appelée communément Kotama, celle de La baie des jeunes filles de Collo et, enfin, Château vert à Skikda, sans pour autant négliger Stora et Ben M'hidi (ex- Jeanne d'Arc). Mais, à mesure que le temps passe et avec la socialisation du tourisme instauré par l'Etat au cours des années 1970/1980, ces plages ont commencé progressivement à égailler leur aspect sauvage… en fait naturel pour prendre les contours de rivages à l'humanité dévastatrice en ce sens que, d'une part, les estivants allaient y transférer leur mode de vie citadin sur lequel tout pourrait être dit sauf qu'il représente le minimum de civisme. Mais, comme si cela ne suffisait pas à la détérioration du littoral et des eaux maritimes, ne voilà-t-il pas que la nature même du trafic maritime allait à son tour contribuer à la pollution des eaux avec, notamment, le rejet de carburants en raison de la vétusté des navires, s'il ne s'agissait pas encore de navires poubelles dont l'échouage à répétitions en diverses parties du littoral algérien est entré dans la plus grande des banalités. Pour corser la situation, l'urbanisation effrénée et anarchique, et la déréglementation aidant, tout le monde se mettait à bâtir près des plages, le plus souvent pour avoir les pieds dans l'eau. En même temps, la ville se développait de manière tentaculaire sur une seule partie, en raison du handicap en face : la mer. Un développement urbanistique qui se fait au mépris de toutes les règles, dont le redimensionnement du réseau de collectes d'eaux pluviales. Pour preuve, la poussée des sols (affaissement) au-dessus de la plage de Stora (Skikda),l'engloutissement d'un lotissement entier d'habitations et des familles, du jour au lendemain, se retrouvant dans la rue. Bien entendu, la plage Ben M'hidi, qui s'étale sur près de sept kilomètres, ne pouvait qu'être parsemée, en raison des constructions lors de ces trente dernières années, de bouches de rejets d'eaux usées, le talon d'Achille de la ville, même si un projet de réhabilitation du réseau général (projet Step) existe depuis près de cinq années. En fait, la très importante zone industrielle de Skikda est sans doute le plus grand vecteur de pollution, à commencer par la plate-forme pétrochimique avec le rejet d'un des plus dangereux polluants : le mercure. Toutefois, cette défaillance a été résorbée depuis quelques semaines et toutes les substances rejetées sont logiquement traitées, édulcorées et rejetées dans la mer. En tout état de cause, jusque-là, ces rejets ne se sont pas matérialisés sur la santé des personnes et plus particulièrement les estivants sauf qu'il faudrait tenir compte de la réaction à l'usure (parfois, plus de trente ans) du mercure sur l'organisme humain. Pour Jijel, la plage Kotama, qui offre l'avantage de posséder l'une des bandes aréneuses les plus larges des côtes de l'Est, la proximité du port, le trafic maritime, le projet (avorté) de réalisation d'une calle sèche ont anticipé sur sa pollution et conduit les autorités locales à en interdire, par arrêté de wilaya, l'usage, condamnant de fait les habitants à faire de la gymnastique, et en l'absence drastique de moyens de transport, pour rejoindre le reste des plages du littoral. La plage a, enfin, été rouverte au public et a permis de mettre un terme à tous les désagréments possibles. Quant à Collo et sa magique baie des jeunes filles, son flot d'eau bleue est malheureusement rendu hideux par une affreuse balafre brunâtre que lui confère un long sillage d'eaux usées et lequel, s'il coupe la mer en deux, fait de même pour la plage conduisant les estivants à se faire face comme chiens de faïence juste séparés par une espèce de no man's land. paradoxe extraordinaire de cette partie de la ville dont le front de mer a été agréablement aménagée et parsemé de petits kiosques aux prestations multiples, elle abrite un complexe touristique public depuis près de 40 ans. L'hôtel Bougaroun, qui a été mis en vente à plusieurs reprises, n'a jamais trouvé preneur pour l'une des raisons évoquées précédemment. Comme il y a quelques années, les familles d'estivants venant de Constantine qui font un déplacement de 220 kilomètres ont vu certains de leurs enfants atteints d'une maladie passagère de la peau. Concluons, enfin, sur cette anecdote qui nous a été fournie par un élu local : «Une étrangère qui a pris l'habitude de passer ses vacances ici depuis plus de trente ans s'est dit outrée de la défiguration des sites et, surtout, de la mauvaise qualité du cadre de vie», notamment les quintaux d'ordures laissés par les visiteurs d'un jour à leur… départ.