Photo : A. Lemili De notre envoyé spécial à Jijel A. Lemili L'incontestable expansion économique de la wilaya de Jijel depuis que le port de Djendjen est à sa vitesse de croisière a, quand même, été accompagnée d'un sérieux contrecoup pour les commerçants, aussi bien ceux installés aux abords la RN que ceux des communes, surtout ceux du chef-lieu de wilaya. L'activité du port en 2010, sur le plan volume, s'est pratiquement multipliée par 1000 au cours de ces quinze dernières années pour deux raisons : la réalisation du port de Djendjen et l'amélioration du réseau routier qui a permis une surmultiplication de l'activité dudit port. Mais cette situation a un tribut que paient conséquemment les commerces, grands, petits, intermédiaires, ponctuels et accessoires. En fait, tout ce qui peut découler d'une activité humaine et de la demande formulée. Jijel, comme toute ville disposant d'un littoral et plus encore de la réputation du sien, ne peut que mieux vivre de l'exploitation de ce dont la nature l'a dotée. Jusqu'à une certaine période, sa population, plus particulièrement ses commerçants, s'est suffie du commerce, si modeste était-il, entretenu avec les visiteurs ponctuels, les estivants le temps d'un été. La ville et les habitants des plages qui font partie de ses limites territoriales ne vivent toutefois, et surtout, que de la présence quotidienne des visiteurs de tous les jours de la semaine, en général, et du week-end, en particulier. Selon une responsable de la Direction du tourisme de la wilaya que nous avons eu l'heur de rencontrer au cours de l'été 2007, l'année évoquée aurait été «plus qu'exceptionnelle avec près de six millions d'estivants. L'impact est quantifiable à tous les niveaux : l'hôtellerie, les grands et les petits commerces, les métiers traditionnels, l'emploi saisonnier…» Mais «l'été 2010 n'est pas de bon augure», a tenu à souligner à notre intention, au cours de la matinée de vendredi dernier, le propriétaire d'un café qui, tout en nous entretenant, garde l'œil sur ses petits-enfants (des adultes) qui gèrent les lieux. Pourquoi de mauvais augure, alors que les hôtels affichent quand même complet et qu'il n'est pas facile de trouver une table dans un restaurant à midi ? La réponse n'est pas ardue pour notre interlocuteur : «Quoi de plus normal que trouver des hôtels complets en pareille période et qui y a-t-il d'anormal de ne pas trouver de table à midi dans un restaurant ? C'est à midi qu'on mange, non ?» «Les hôtels étaient complets pour toute la saison en avril déjà», enchaînera-t-il. Les estivants réservaient même à l'année dans ces hôtels. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Il arrive des jours où des chambres ne sont pas occupées. Il y a deux ans, les restaurants servaient de 11h30 à 16h pour reprendre à 19h et fermer à 23h parce qu'il n'y avait plus rien : légumes, viandes, fruits, boissons… Pour avoir déambulé en fin d'après-midi, au début et à la fin de la soirée sur le front de mer et jusqu'à la limite de l'hôtel Kotama, nous avons effectivement constaté qu'il n'y avait pas cette foule habituelle de l'année 2007 qui ne regagnait ses pénates qu'à partir de 2 heures du matin. Comme il n'y avait pas foule à hauteur du marché principal de la ville, notamment autour des poissonniers, que les marchands de crème glacée n'avaient plus à assurer leur service devant des chaînes interminables pour répondre à la demande jusqu'à la surchauffe de leurs installations. Une virée à hauteur de la plage appelée «Grand Phare». Un des jeunes exploite une partie de la plage sur autorisation de l'APC. Ce jeune qui n'arrête pas de voir grand, compte tenu de la demande sans cesse grandissante, est pourtant contraint d'user de rabatteurs pour que des familles viennent profiter de ses installations sommaires (un parasol et deux transats) ou de ses tentes cubiques. Les pédalos sont peu sollicités, les échoppes où l'on pourrait siroter un café ou prendre une boisson glacée ne seront jamais surbookées, les parkings sont clairsemés. A l'unisson, toutes les personnes concernées par ces commerces saisonniers nous diront que «c'est la faute au port. Il faut plus de trois heures pour arriver de Constantine. Que dire alors de nos compatriotes qui viennent de Batna, Oum El Bouaghi, Khenchela pour la journée ? Ils n'ont même pas le temps de rester une heure en bord de mer. Le port, c'est bien pour la ville, mais par pour nous». La même antienne nous est tenue au niveau des belles superettes du centre-ville. «Nous ne dirons pas que ça ne marche pas bien pour nous. Mais avouons quand même que nous sommes loin, très loin de nos attentes comparativement au boom de ces dernières années. La route, parlons-en ! Le calvaire. 210 minutes pour faire 150 kilomètres, soit près de 40 km en une heure en voiture. Autant y aller à pied. Les handicaps ? Ils existent à foison. Les nombreux barrages de police et de gendarmerie qui perturbent plus qu'ils ne règlent la circulation et assurent sa fluidité comme il est dit dans la philosophie du “plan Delphine”, les chauffards, les incessantes déviations et travaux en cours d'aménagement de la voie, les ralentisseurs difformes et non réglementaires parsemés au petit bonheur la chance, voire à l'humeur. Jijel risque d'être triste cette saison et la proximité du mois de Ramadhan qui vient chevaucher une bonne partie de l'été n'arrangera pas les choses, sauf si les Algériens décident de changer leurs habitudes, se dire que septembre, c'est encore l'été et apprendre à voir les choses autrement».