Les villes côtières d'Algérie connaissent de graves problèmes de pollution, notamment une importante pollution par les hydrocarbures due au fort trafic pétrolier au large des côtes algériennes. Le tableau dressé, aujourd'hui, par les experts et les scientifiques est plus que sombre : plages souillées, détritus flottant sur les eaux, nappes d'hydrocarbures ou boules de goudron, rejets de déchets industriels et d'eaux d'égouts. Le rejet illicite en mer est une opération qui consiste à déverser des produits de toute nature qui s'apparentent, le plus souvent, à des hydrocarbures, des mélanges eau et hydrocarbures ou des boues d'hydrocarbures. Qu'est-ce qu'une opération de dégazage ? Elle désigne la ventilation et l'évacuation des gaz produits par les hydrocarbures dans les citernes d'un navire. Ces gaz nocifs doivent être éliminés pour permettre aux hommes de pénétrer dans les citernes. Concernant le déballastage, il s'agit de l'opération de déchargement des eaux de lestage du navire, des résidus de cargaison liquide et des résidus de fonctionnement. Dégazage et déballastage désignent le déversement de polluants en mer, notamment d'hydrocarbures. Les spécialistes soutiennent que les deux opérations doivent se faire au niveau des installations portuaires. Mais, pour fuir le coût, des navires vident leurs citernes et leurs cuves dans les mers et les océans. Que cela soit à Alger, à Oran, à Annaba, à Ghazaouet, à Mostaganem, à Arzew, à Béjaïa, ou à Skikda, le mal est visible. Véritable tableau noir sur la grande bleue. Les chiffres font état de plus de 50 millions de tonnes de pétrole et de produits pétroliers qui sont exportés annuellement à partir des ports algériens et tunisiens. La Méditerranée est l'une des mers les plus polluées dans le monde. Elle représente 50% de la navigation maritime mondiale dont plus de 20% sont des hydrocarbures. Selon eux, la pollution par les hydrocarbures peut être accidentelle, mais la principale source est volontaire. Les scientifiques ont rappelé que 21 accidents ont été enregistrés en Algérie en 37 ans, dont le plus récent est la fuite d'hydrocarbures dans le port d'Alger. Pour un chercheur dans l'impact de la pollution sur les écosystèmes marins, beaucoup de questions s'imposent concernant l'Algérie. Disposons-nous de moyens adaptés et du savoir-faire nécessaire pour réagir dans l'urgence ? Avons-nous développé nos capacités d'anticipation sur ce type de problèmes environnementaux ? Quelles sont nos aptitudes à la coordination ? La série d'interrogations a été posée suite à la fuite d'hydrocarbures survenue dans le port d'Alger il y a plus d'une année. Mais loin de la circonstance de l'accident survenu au port d'Alger, le constat est encore plus inquiétant. Des quantités de produits chimiques sont continuellement déversées par les pétroliers et les méthaniers étrangers dans les eaux de ces deux ports reliés au complexe pétrochimique et gazier. Des opérations de ballastage (dégazage) sont régulièrement effectuées par les pétroliers et les navires étrangers qui s'approvisionnent au terminal d'Alger. «Avant de procéder au chargement des produits pétrochimiques, les grands pétroliers se débarrassent en toute illégalité de leur restant [cale] de pétrole et autres produits gaziers, occasionnant la pollution des côtes marines», explique un spécialiste en environnement. La même source ajoute que les opérations de ballastage ont fini par entraîner des dérégulations écologiques perceptibles aux environs du port. Un ancien cadre au ministère de l'Environnement fera remarquer que le plus grand danger auquel est confrontée la daïra d'Arzew réside dans l'accumulation, au fil des années, des produits pétrochimiques et gaziers qui stagnent dangereusement dans les eaux marines, provoquant la disparition prématurée de plusieurs espèces de poissons. Un fonctionnaire du port déclare que le littoral algérien sert de réceptacle aux nombreuses ordures et aux très nombreux rejets d'hydrocarbures et de naphte, résultats d'opérations intempestives de dégazage par des navires croisant au large des côtes algériennes. Il arrive même que «des bateaux à quai dans les ports algériens procèdent à des déversements de mazout sans courir le risque d'être inquiétés». Un observateur de la scène nationale s'est interrogé comment un pays qui tire l'essentiel de ses richesses des ressources énergétiques, et qui a investi des milliards de dollars dans des installations, ne dispose pas de moyens de prévention et de sécurité industrielle en rapport avec les ambitions du pays dans le domaine énergétique. Y a-t-il un moyen de lutte auquel adhèrent les pays des deux rives de la Méditerranée ? Certains pays méditerranéens sont restés en arrière en termes de préparation à intervenir en cas de situation critique due à la pollution. Le Centre d'activités régionales du PAM (Plan d'action pour la Méditerranée), le REMPEC, les a aidés à respecter leurs obligations au titre du protocole «prévention et situations critiques» en leur fournissant un appui pour mettre au point des systèmes nationaux de préparation et d'intervention en cas de situation critique et en leur prêtant assistance pour mettre en place des installations portuaires appropriées afin de collecter les déchets liquides et solides des navires. Le REMPEC aide aussi à mettre au point des accords internationaux de coopération et d'assistance mutuelle en cas d'urgence et s'occupe de la formation de personnel. Institué en 1994, le plan national de prévention et de lutte contre la pollution marine «Tel Bahr», qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie de préservation de l'environnement, peine à réaliser les objectifs escomptés nonobstant les moyens de prévention qui ont été mobilisés à cet effet. La finalisation de ce plan d'urgence national «Tel Bahr» et du plan sous-régional, inclut la Tunisie et le Maroc. Un accord portant plan sous-régional a été signé entre l'Algérie, le Maroc et la Tunisie pour la lutte contre la pollution marine. Il faut savoir que le processus de préparation de cet accord par les experts nationaux des trois pays a été lancé sous l'autorité du Centre régional méditerranéen d'intervention d'urgence contre la pollution marine accidentelle (REMPEC). Du point de vue juridique, les actions de coopération qui seront menées se réfèrent à la convention de Barcelone qui date de 1976, sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée et son protocole «prévention et situations critiques» de 2002. Notons, enfin, que l'Algérie, dans la perspective de faire face à cette menace sur l'environnement, compte se lancer dans la formation d'ingénieurs spécialisés dans la lutte contre la pollution marine. La formation de futurs ingénieurs sera assurée à l'Institut national des sciences de la mer et de l'aménagement du littoral. Il fau, néanmoins, convenir que la formation d'ingénieurs, si vitale soit-elle, ne réglera pas le problème si la lutte contre une telle pollution n'est pas dotée d'une législation adaptée. A. Y.