Chaque année à la veille ou au lendemain de la fête de l'indépendance, parmi tant d'autres, des voix vont s'élever pour dire leur inquiétude devant l'amnésie rampante mais ô combien réelle à l'endroit d'une date historique du pays, pratiquement remisée dans les placards. Au même titre que bien d'autres dates charnières de l'histoire nationale, le 5 Juillet qui a définitivement scellé l'indépendance du pays est banalement ? pour ne pas dire grossièrement, ravalé au calendrier des journées chômées et payées à telle enseigne que le sens historique évoqué s'en est trouvé totalement et gravement dévoyé. Qu'elles soient authentiques ou juste pour la consommation ponctuelle, les indignations des uns et des autres n'en gardent pas moins, d'une part, le mérite de mettre chacun face à sa propre conscience, notamment ceux qui ont porté le flambeau de la révolution mais également les historiens censés leur emboîter le pas, et, d'autre part, de constituer quelque part cet électrochoc à même de maintenir en état de veille une mémoire qui a tendance à sombrer dans l'oubli. Sans qu'il y ait un quelconque pernicieux plaisir à la comparaison, il suffirait de voir avec quelle application, implication de tous les acteurs de la société et évidemment les officiels, le faste déployé, l'excitation jusqu'à l'exacerbation du sentiment national chez les jeunes, les vieux et surtout les enfants, sont commémorées des valeurs à portée analogue comme le sont le 14 Juillet en France ou le 4 juillet aux Etats-Unis. Ce sont là deux dates qui contribuent autant à la communion nationale, certes souvent préfabriquée, qu'à la division ostentatoirement affichée et rapidement mise sur le compte du jeu démocratique, deux voies et moyens de donner un caractère à l'événement et qui n'en empêchent pas la solennité. Cette attente, puisque c'en est une, des Algériens notamment parmi les plus âgés, ceux qui ont eu à vivre directement les moments dramatiques de la lutte armée de libération nationale et qui, ensuite, ont eu l'heur de fêter l'accession à l'indépendance du pays et les immenses espoirs que laissaient planer plus d'un siècle et quart de joug colonial, est tellement légitime qu'elle développe une dimension affective qui n'a d'égal que le désintérêt que revêt la commémoration du 5 Juillet aux yeux de ceux qui s'en revendiquent toutefois chaque année seulement. Pour un Algérien né le 5 juillet 1962, c'est tout de même avoir près d'un demi-siècle d'âge et autant de rupture avec une date historique pour la perpétuation de laquelle, en vérité, rien n'a été fait de palpable pour en marquer la consistance depuis près de trente ans. La rupture n'en devient que plus grave pour une jeunesse qui n'a été élevée que dans les crises, sociales, politiques et économiques, une jeunesse désabusée dont le seul trait d'union avec l'Algérie n'est que son emblème. Un emblème à chaque fois brandi parce qu'il est encore le seul élément dans le décor ambiant à constituer un refuge, le seul pour des millions de jeunes dans le désarroi et pour lesquels novembristes, janviéristes et autres qualificatifs qui se veulent hautement significatifs ne veulent pas dire plus que juilletistes ou… aoûtiens. A. L.