De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Généralement, le gouvernement algérien déteste s'exprimer sur l'emploi et plus particulièrement sur le chômage, un couple politico-économique des plus gênants pour les représentants de ministères et d'organismes algériens chargés de trouver du travail au nombre admis comme étant très élevé sinon incalculable de chômeurs en Algérie. Le taux officiel de chômage demeure à ce sujet l'objet de contradictions relevées dans les différentes déclarations de hauts responsables. Ce qui donne une idée de l'enjeu de la question et, surtout, de la volonté de vouloir cacher quelque chose de grave qui ferait certainement mal si jamais elle était marquée par la transparence. Mais tous ces responsables respectent la même tendance qu'on pourrait appeler d'équilibriste : le taux de chômage officiel en Algérie, s'il ne descend pas au-dessous de 10%, stagne vers 11,8% (en 2007). Des taux loin de la réalité quand on observe les effets dévastateurs du chômage sur la jeunesse qui, faute de travail, se drogue, se convertit à toutes sortes de terrorisme, se suicide ou part en mer à la recherche de l'autre rive de la Méditerranée. Sans oublier de souligner l'utilisation politicienne d'une science stratégique de développement qu'est la statistique pour tout positiver sur le papier quand il est question de faire un bilan d'une politique ou d'un programme. En Kabylie, par exemple, des élus locaux ont parlé récemment d'un taux de chômage qui a atteint les 65% dans des communes dont les ressources humaines et naturelles sont, pourtant, appréciables ne demandant qu'à être exploitées simplement. Ce taux dangereux ne peut que refléter le vrai taux de chômage quand on apprend que la direction de l'emploi de Tizi Ouzou, dépendant du gouvernement, avait rendu public un taux officiel de… 35%. Ce taux serait celui de toutes les régions d'Algérie, selon un quotidien algérien citant une source. A ce propos, un cadre d'une petite entreprise privée en difficulté à Tizi Ouzou a affirmé, que pour une annonce de recrutement d'un ingénieur parue une seule fois dans un journal, ils ont reçu, lui et son collègue de travail, plus de 250 appels téléphoniques par jour pendant une dizaine de jours. «J'étais frappé par le nombre d'appels téléphoniques et la qualité bien indiquée des demandeurs. Toute la journée et plus d'une semaine durant, mon téléphone ainsi que celui d'un autre employé de l'entreprise ne cessaient de sonner. Je me suis dit qu'à Tizi Ouzou tous les diplômés sont en chômage, c'est vraiment malheureux !» s'étonne et se désole le jeune gérant. La situation dramatique du monde de l'emploi et du chômage en Kabylie est tellement grave que même les chiffres les plus reluisants et les promesses les plus ambitieuses n'arrivent pas à l'occulter. La Caisse nationale d'assurance chômage (CNAC) de la wilaya de Tizi Ouzou, qui coiffe en même temps les wilayas de Boumerdès et de Bouira, a fait état la semaine dernière de la création de 762 microentreprises depuis le début de l'année en cours, dont 137 durant le premier semestre. Il y a environ deux ans, l'Ansej locale prévoyait la création de 42 000 emplois mais n'a réussi à en donner que 14 075 à cause de la «réticence des banques à financer» les 16 613 projets sur 18 172 demandes de financement qui avaient eu l'O.-K. de ses instances. Alors qu'à la même période la Cnac a créé 573 emplois depuis son lancement en 2004 dans cette wilaya. De quoi tuer même l'espoir fou de milliers de prétendants. Depuis 2004, la Cnac a créé 991 microentreprises, dont 638 à Tizi Ouzou, 190 à Bouira et 163 à Boumerdès. Dans l'ensemble, le taux de réalisation des projets entamés par ces dispositifs de création d'emplois par le biais d'entreprises de jeunes serait de 31%, selon les responsables des antennes locales de ces organismes. Ces derniers soulignent l'excellente solvabilité des entreprises créées à Tizi Ouzou (seuls 8% des projets connaissent des difficultés). Alors, pourquoi cache-t-on le taux réel de chômage et pourquoi n'arrive-t-on pas à créer assez d'emplois pour sortir au moins de la zone rouge du désespoir de la jeunesse ?