Au-delà des discours récurrents sur la moralité à adopter pendant le mois de Ramadhan –comme si, le reste de l'année, l'immoralité était permise-, il existe une réalité qui a la peau dure et qui est plus forte que la foi affichée et ses signes ostentatoires : la cupidité et le gain facile font du mois de Ramadhan une occasion pour les bonnes affaires à ne pas rater. Telle est la logique qui détermine le comportement de la majorité des commerçants et des affairistes véreux. Autrement, comment expliquer la flambée des prix dès que les senteurs du Ramadhan emplissent l'air des villages et des villes du pays. Les appétits sont aiguisés au même rythme que celui des ménages qui se préparent au jeûne au moins quinze jours avant le début de ce mois. Pour ces rapaces, tous les jeûneurs sont des proies faciles à plumer. D'ailleurs, le Ramadhan pour eux n'est qu'une autre occasion comme celle des deux Aïds, comme celle de la rentrée scolaire, comme celle du Mouloud, pour s'enrichir facilement. Le problème, en fait, n'est pas tant d'arrêter ces rapaces, mais de sensibiliser leurs victimes à les boycotter. Là aussi, on a l'impression que les victimes sont masochistes et aiment être dévorées crues. En l'absence d'une organisation de défense de consommateurs représentative et active, les citoyens sont atomisés, divisés et ne sont pas solidaires face à un marché dont l'anarchie est chronique depuis des années sans que la puissance publique puisse agir sur sa structuration, son assainissement et sa régulation. Il ne s'agit plus d'un épiphénomène circonscrit, mais de puissants lobbies qui font la loi dans la distribution et la commercialisation du gros et du détail des produits agricoles et carnés qui sont les plus demandés notamment durant le mois de Ramadhan. Ces lobbies semblent disposer de réseaux de contacts horizontaux et verticaux opérationnels et efficaces aussi bien dans le secteur formel qu'informel. Sinon, comment expliquer la synchronisation des prix d'est en ouest et du nord au sud. Sinon, comment expliquer l'incapacité structurelle des pouvoir publics à mettre un terme aux agissement spéculatifs, y compris quand il s'agit de produits finis sortis d'usines étatiques comme le ciment. Le temps est donc celui des rapaces qui vont faire leur beurre en l'espace d'un mois avec la complicité de consommateurs prêts à prêter le flanc pour satisfaire tous les appétits voraces en ce mois qui n'a de l'abstinence que la réputation. Les discours et prêches religieux n'ont aucun effet sur beaucoup de commerçants et la majorité des consommateurs. En fait, s'il n'y avait pas une demande et une affluence sur les rapaces, ces derniers n'auraient jamais pu faire long feu. Donc on a ce qu'on mérite dans la mesure où c'est le consommateur qui accepte le fait accompli de ceux qui le plument. Il n'y a qu'à voir l'engouement des consommateurs pour les marchés informels où l'on vend des produits électroniques et électroménagers sans factures ni garanties au risque d'accidents ménagers graves. A. G.