Comme de coutume, la mercuriale s'affole immanquablement à chaque mois de Ramadhan. Tout le monde s'y attendait avec l'intime conviction que les spéculateurs auront comme toujours le dernier mot. Ça n'a absolument rien à voir avec la fameuse règle de l'offre et de la demande. Le marché est bien approvisionné comme d'ordinaire. Les besoins sont, à quelques différences près, les mêmes. Mais les prix montent, quand même, comme par magie. Fatalement, la forte tension qui caractérise les prix des produits alimentaires de première nécessité se poursuit depuis le début du mois sacré. Les viandes, les sucreries, les fruits et légumes, le lait, les pâtes et aussi les vêtements sont hors d'atteinte pour les petites bourses. A chaque occasion pareille, la flambée des prix de la consommation affecte, en premier et dernier lieu, les démunis et les familles à faible revenu. Et, malheureusement, personne ne semble avoir -du moins pour le moment- la moindre prise sur le marché. Même le gouvernement a ouvertement du mal à instaurer son contrôle. Le Ramadhan serait également propice aux activités occasionnelles et à la débrouille. C'est généralement la période de l'année où le commerce informel redouble d'intensité. Certains s'improvisent vendeurs ambulants de produits maraîchers, d'autres posent leurs «tables» à même le trottoir proposant tabacs et douceurs traditionnelles aux piétons, chacun y va de son petit business pour bénéficier de la fièvre acheteuse propre à ce mois. On change aussi impunément d'activité pour arrondir ses fins d'exercice. On peut aisément croiser un ferronnier qui s'initie clandestinement à l'art de la pâtisserie orientale ou un cordonnier qui propose des grillades ou du thé après le f'tour. C'est carrément l'anarchie. Les services du commerce, de la concurrence et des prix sont quasiment absents. Manquant cruellement d'effectifs opérationnels et disposant de très peu de moyens pour couvrir toute l'étendue de n'importe quelle wilaya, les DCCP n'inspectent finalement qu'un nombre extrêmement faible de commerces et d'unités de transformation de produits alimentaires. L'absence d'une culture de coordination et le manque d'initiatives collectives avec d'autres services comme l'administration fiscale, les bureaux communaux d'hygiène et les brigades de lutte contre le crime économique de la Gendarmerie nationale réduit, par ailleurs, sensiblement l'efficacité des efforts déployés, distinctement, par chaque organisme. En gros, il n'y a concrètement ni contrôle fiable de qualité des produits proposés à la vente ni régulation de l'offre et de la demande sur le marché. Les monopolisateurs de tous poils et les barons de l'import-import y règnent en maîtres absolus. Ils décident des quantités à mettre à la disposition des consommateurs et en fixent les prix. Les faiseurs de pénuries créent leur marge supplémentaire dans tous les domaines d'activité. Après le rond à béton et le ciment, on s'attaque aux valeurs alimentaires. Demain, ce serait probablement autre chose. En clair, nos marchés sont aujourd'hui autant de zones franches sur lesquelles l'Etat n'a que très peu d'emprise. Cette situation extrêmement préjudiciable au salariat ne saurait perdurer ainsi indéfiniment. Tous les acteurs institutionnels et citoyens se doivent d'agir de concert dans ce combat inévitable contre les «suceurs de sang» qui phagocytent les maigres revenus des ménages et siphonnent, tout aussi injustement, les fonds sociaux de l'Etat. La paix et la stabilité sociales sont à ce prix. L'essor économique du pays en dépend aussi. C'est un peu le détail qui conditionne toute la politique économique du gouvernement. K. A.