De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Vers 19 h, à Annaba, les rues se vident et tout devient subitement désert ; il n'y a presque plus personne et les quelques rares piétons se dépêchent de rentrer très vite de peur de rater la rupture du jeûne. Quelques voitures retardataires, profitant de l'absence de circulation à cette heure, roulent à toute vitesse pour arriver «à temps». Sur le boulevard, un des restaurants de «Meidat Ramadhan» est ouvert, les bénévoles s'affairent et servent les derniers arrivants, ils se dépêchent pour qu'ils puissent rompre le jeûne en même temps. D'autres sont encore dehors, attendant d'éventuels passagers pour les inviter à entrer et à dîner avec tout le monde. Certains acceptent volontiers et entrent pour s'installer, d'autres refusent et préfèrent se débrouiller ou aller dans un restaurant et payer ce qu'il faut. A l'intérieur, près d'une quinzaine de tables où une soixantaine de personnes sont installées, devant eux des plats de toutes sortes «pour que chacun trouve son goût et choisisse», nous confie l'un des jeunes bénévoles. «Nous voulons que chaque passager, chaque SDF ou toute personne qui vienne ici pour la rupture du jeûne se sente comme chez elle. Nous faisons notre possible pour que tous aient ce qu'il faut», poursuit-il. La chorba, plat traditionnel, servi comme entrée, est omniprésente. De grandes soupières sont disposées sur toutes les tables et chaque convive peut à sa guise en reprendre quand il veut. Le «bourek», très prisé par les jeûneurs en ce mois sacré, est en quantité suffisante et il y a même quelques «briques» en plus pour ceux qui aimeraient en goûter encore. Les «serveurs», des jeunes et des moins jeunes, sont aux petits soins pour les «invités», sourire aux lèvres, vont et viennent entre les tables pour répondre aux appels de leurs invités, ils se hâtent et essayent de répondre à toutes les demandes pour que tout le monde soit satisfait. «Vous savez, nous dit un vieil homme du Croissant-Rouge, nous avons toujours servi et aidé notre prochain. C'est notre devoir, je voudrais que chacun, en sortant d'ici, soit pleinement satisfait parce qu'il aura trouvé un peu de chaleur humaine à un moment où, tous, nous en avons besoin en ces journées sacrées du Ramadhan». L'adhan retentit, certains prirent le temps de se glisser une ou deux dattes avant de faire la prière, les autres ont déjà commencé à manger. La cuisine, de l'avis de tous, est bonne ; le plat de résistance en ce 4ème jour de Ramadhan était succulent et tous ou presque en ont repris. «C'est du poivron farci à la viande hachée et préparée par ‘‘lehrair''[de bonnes cuisinières], nous dit un SDF installé à la même table que nous. Ces gens que vous voyez là [les bénévoles] iront certainement au paradis, ils ne font que du bien autour d'eux.» En plus du flan chocolat, des bananes et des prunes ont été distribuées en dessert; il en restait même sur les tables quand les «convives» sont sortis. Pour ce qui est du fonctionnement de ce restaurant, le responsable, Ammi Salah, dira que ce sont des dons qui affluent d'un peu partout. «Il y a encore des âmes charitables qui continuent à aider les pauvres et les malheureux de ce monde ; nous ne faisons qu'apporter notre contribution en organisant ce type de restaurant où nous préparons nous-mêmes, avec l'aide des femmes bénévoles, tous les plats qui sont servis. J'espère avoir fait mon devoir devant Dieu et avoir servi au mieux mon prochain.» Ahmed, un SDE habitué de Meidat Ramadhan, nous dira qu'il ne mange à sa faim que pendant le mois de Ramadhan. «Je suis heureux à chaque fois que ce mois sacré arrive parce que je n'ai plus de problème d'alimentation, les restaurants ouvrent leurs portes un peu partout à travers la ville et je remercie tous ceux qui en sont responsables. Moi, je voudrais que tous les mois soient transformés en Ramadhan ; comme ça je n'aurais plus de problème.»