Photo : Sahel Par Badiaa Amarni Consciente de son importance, en ce sens qu'elle fait avancer et développer les pays qui l'ont adoptée, l'Algérie est en train d'introduire le concept de l'intelligence économique (IE). Thème d'un colloque international à Alger qui s'est déroulé au milieu du mois écoulé. Ce concept a été débattu de long en large en présence d'experts nationaux et internationaux. Durant trois jours, les participants à cette manifestation ont chacun éclairé l'assistance sur cette question. Qu'en est-il réellement dans notre pays et où en est l'introduction de ce concept ? M. Abdeldjebbar Lemnouar, recteur de l'Université de la formation continue (UFC), initiateur du colloque, a déclaré en marge des travaux que «nous sommes aux prémices de l'intelligence économique en Algérie et nous voudrions instituer une culture de l'intelligence économique au niveau des institutions de l'Etat et des entreprises publiques et privées». Pour parvenir à cet objectif, rappelle notre interlocuteur, le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, Abdelhamid Temmar, a évoqué un certain nombre de mécanismes et de propositions à mettre en œuvre par le gouvernement, ce qui n'est pas une mince affaire. Selon lui, et pour que l'on puisse devenir performants, la mise en place de ces outils et mécanismes exige des institutions mais aussi des entreprises de jouer un rôle important, ajoutant qu'il est grand temps pour les Algériens de comprendre l'importance de se mettre sérieusement à travailler. L'IE fait ses premiers pas en Algérie Sur la place de l'Algérie concernant ce concept, le recteur de l'UFC fera savoir que «nous venons juste après la France qui a commencé à parler de l'intelligence économique vers 1994». Cinq ans après, soit à partir de 1999, l'Algérie lui a emboîté le pas et a commencé à parler un peu de ce concept. Il faut savoir que les Etats-Unis, le Japon, de même que l'Angleterre ont eu cette culture de l'intelligence économique bien avant. Pour ce qui est de la définition du concept en Algérie et des incompréhensions qui l'entourent, M. Lemnouar dira que «nous ne pouvons pas dire que ce concept n'est pas défini chez nous. Car, déjà en 2006, le 20 décembre exactement, il y a eu une réunion du conseil de gouvernement qui a été consacrée à cette question». Revenant à cette définition, notre interlocuteur explique qu'il n'y a pas de version algérienne et que l'intelligence économique, «c'est le recueil de l'information, le tri de l'information et enfin la maîtrise et l'utilisation à bon escient et au bon moment de cette information pour pouvoir prendre une bonne décision». D'ailleurs, et comme preuve palpable que notre pays s'intéresse de très près à cette question, la mise en place, dans l'organigramme du ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements, de tout un département de l'intelligence économique. Ce qui fait dire au recteur de l'UFC que «c'est là une preuve de plus que le gouvernement veut aller de l'avant et sait très bien ce qu'il veut». Sortie d'une promotion en décembre, une autre en octobre Plus, une formation post-graduée sur le thème a été initiée par l'UFC. «C'est l'une des premières formations en intelligence économique. Elle a été initiée en avril 2007 et est au top», déclare notre recteur. Pour cette formation spécialisée, il y a eu quelques experts algériens qui sont intervenus au niveau de l'UFC, à l'exemple des chercheurs du CREAD, des enseignants de l'Institut national du commerce et de beaucoup d'Algériens mais aussi des Français qui venaient lors des séminaires organisés. Les Algériens venaient chaque jeudi donner leurs conférences et les étrangers chaque mois pour 4 ou 5 jours, nous apprend notre interlocuteur. «Cette première promotion concerne 40 cadres de haut niveau issus d'institutions publiques mais aussi d'entreprises privées qui termineront leur cursus en décembre prochain.» Bientôt, en octobre prochain, sera ouverte une 2ème session. Si la première formation a été faite avec la coopération de la France, l'année prochaine, il est probable qu'elle sera étendue à d'autres pays qui ont de l'expertise en IE. De toute façon, fera savoir le recteur de l'UFC, un atelier entier a été consacré à l'étudie et l'examine des expériences internationales. «Nous allons voir quelles seront les recommandations qui seront émises et nous aviserons les autorités concernées.» Quel est le sort qui sera réservé aux suggestions du colloque ? M. Lemnouar indique qu'à l'ouverture de la rencontre, les deux ministres de l'Enseignement supérieur et de l'Industrie ont dit qu'ils attendaient beaucoup de ces recommandations. «Nous nous ferons le devoir de les leur remettre et je suis convaincu que le gouvernement donnera suite à ce colloque placé sous le haut patronage du président de la République, dont le conseiller était présent à l'ouverture.» Et d'ajouter que «les plus hautes autorités du pays donnent le ton à l'intelligence économique et son devenir en Algérie». Interrogé pour savoir si ces recommandations ne risquent pas d'être rangées dans un tiroir comme c'était le cas de beaucoup d'autres issues de différents séminaires, rencontres et autres, le recteur de l'Université de la formation continue a répondu par la négative, précisant que «si tel était le cas, nous n'aurions pas été honorés par la présence de ministres et ça aurait été un colloque organisé entre universitaires seulement». Pour rappel, les travaux du colloque sur l'intelligence économique ont abouti à l'adoption d'un certain nombre de recommandations portant essentiellement sur la nécessité de créer une cellule de veille et d'intelligence économique au sein de chaque entreprise, et la mise en place d'un cadre juridique et d'une stratégie opérationnelle à même de promouvoir le partenariat entre tous les acteurs économiques, ainsi que la nécessité de promouvoir la formation des cadres d'entreprise dans la veille intelligente. Outre la présentation de communications portant, entre autres, sur le management des connaissances et la protection du capital immatériel constitué par les flux d'informations et de données concernant le monde de l'économie, ce colloque a été une occasion d'examiner l'expérience de certaines sociétés nationales publiques et privées en matière de mise en application des principes de la veille stratégique et de l'intelligence économique. La rencontre avait pour objectif de dégager une vision globale et multisectorielle aux fins de la mise sur pied d'une stratégie nationale basée sur les applications de l'intelligence économique et la gouvernance au sein des entreprises et des organismes algériens. B. A. ------------------------------------------------------------------------ M. Oumellal, directeur de veille stratégique au Laboratoire Loge : «Il ne faut pas ranger l'IE dans des canevas» M. Mohamed Oumellal, directeur de veille stratégique au niveau du Laboratoire en organisation et gestion d'entreprise (Loge), nous a déclaré que «les Algériens ne doivent pas se prendre les pieds dans les significations et les tentatives d'explication du concept de l'intelligence économique, il faudrait l'accepter comme tel et le pratiquer». Selon lui, «il est vrai qu'il faut savoir ce que c'est, mais, le plus important, c'est de sentir le sens plutôt que d'essayer de le définir». Et de poursuivre : «Ce concept est déjà introduit chez nous, mais que beaucoup essayent de l'expliquer, de le définir et de le ranger dans des canevas et des box, c'est dommage !» L'IE «ça se vit au jour le jour par l'entreprise ou l'organisme, et il ne faudrait pas qu'on se trompe là-dessus», conclut-il.