Photo : DR Par Ali Boukhlef «La corruption dans le football est une réalité.». Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Hachemi Djiar, qui a fait cette déclaration à la fin de la semaine dernière, n'a rappelé qu'une évidence. La déclaration aurait pu passer inaperçue si elle n'avait pas été tenue par un ministre. Mais par la force des choses, ces sortes d'affirmations, extrêmement graves, sont devenues banales. Elles sont galvaudées par des responsables qui, oubliant qu'il leur revient en premier d'agir, se limitent à dénoncer, impuissants, comme n'importe quel citoyen. Mais ce que M. Djiar n'a peut-être pas dit est cette vérité que tout le monde connaît : toutes les autorités du pays -politiques, judiciaires, sportives et autres- n'ont jamais, ou très peu, agi devant un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur. Chaque saison sportive, en effet, des soupçons de corruption ou de trucagederencontres, notamment de l'élite footballistique, sont citées par la vox populi, ou parfois même étalés sur les unes des journaux spécialisés. Rien que pour cette saison, des noms des équipes, ou plus souvent leurs responsables, présumées impliquées dans ces affaires de trucage, sont publiquement citées. On se souvient des graves accusations formulées par les dirigeants de l'OM Ruisseau contre le président du MC Oran, Youcef Djebari, accusé de tentatives de corruption contre des joueurs du club algérois pour qu'ils lèvent le pied. Rien n'a été fait, en réalité, si ce n'est une convocation formelle à se présenter devant la commission de l'éthique de la Ligue nationale, une initiative destinée, en réalité, beaucoup plus à de la consommation externe qu'à autre chose, puisque les sanctions n'ont pas suivi. La seule affaire traitée par la justice dans ce domaine est cette histoire du MSP Batna, dont des dirigeants sont accusés de tentative de corruption contre le gardien de but du MO Béjaïa. Ils ont, effectivement, été arrêtés, mais on apprendra plus tard que la personne appréhendée «la main dans le sac», du nom de Benflis, dans un restaurant de Tichy n'est qu'«un supporter du club». Autant dire que peu de choses peuvent être attendues dans cette affaire comme dans d'autres. Hallucinante aussi est cette histoire de soupçons qui pèsent depuis quelques jours sur le match qui avait opposé il y seulement quelques jours l'USM Alger au CA Bordj Bou Arréridj (0-2) au cours duquel le club algérois avait aligné en majorité des joueurs issus des juniors. Il est vrai que des voix se sont élevées pour demander l'intervention des autorités. Mais en vain. Et les exemples sont très nombreux. On peut en disserter tout au long de ces lignes. Déjà l'an dernier, l'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports Yahia Guidoum avait lancé une campagne médiatique contre les dirigeants corrompus, sans aller au fond des choses, même s'il avait proposé une nouvelle législation qui n'a pu aller à terme à cause des résistances, mais aussi parce qu'il a été remercié lors d'un remaniement de gouvernement. L'autre problème connu de tous est l'histoire des transferts de joueurs. Des présidents de club, à l'image de l'ancien boss de l'USM Annaba, proposent publiquement des sommes faramineuses sans qu'aucune autorité ne s'en offusque. Les sommes avancées sont-elles déclarées aux impôts ? Pas si sûr lorsqu'on sait qu'un joueur, transféré publiquement à 8 000 000 DA a été arrêté dans un aéroport avec une partie de la somme dans… un cabas. Autant d'exemples qui donnent à réfléchir. Mais pour qui ? Il ne se trouve apparemment que les supporters, autrement dit les citoyens, et certains journalistes pour se poser des questions. Car, ironie du sort, même certains présidents de club, parfois eux-mêmes soupçonnés, dénoncent la corruption. Mais où est l'Etat ? Où est la justice ? Pas de réponse. Les responsables du football national ne veulent même pas regarder vers le Nord. Les histoires de Bernard Tapie, l'ancien dirigeant de l'O Marseille, en France, ou encore la dégringolade de plusieurs clubs italiens, dont la prestigieuse Juventus à cause de matches arrangés, ne servent apparemment à rien pour les responsables du sport national. Au lieu d'agir efficacement, ils se limitent à organiser des rencontres sans lendemain. Des rencontres qui, une fois les salamalecs échangés, tombent dans les oubliettes. Car même le Comité olympique, normalement entité morale, reste de marbre. Mais voilà que le ministre, les présidents de la fédération et de la ligue ainsi que l'institution judiciaire et les impôts font comme si les choses ne les concernaient pas. Cela concerne qui alors ? La réponse viendra, probablement, et comme d'habitude, lorsqu'il sera trop tard.