Photo : S. Zoheïr Par Rachida Merkouche Tristes et monotones sont nos villes les jours de l'Aïd, alors qu'elles sont censées refléter une ambiance de fête. La prière et les accolades terminées, c'est le vide sidéral qui s'empare des rues, alors que les quartiers sont investis plus par les enfants que par les adultes. C'est plutôt la mélancolie et l'ennui qui gagnent les cœurs durant cette occasion qu'on qualifie de fête. C'est à croire que les villes sont désertées par leurs habitants, tant il n'y a pas âme qui vive. Rideaux baissés et véhicules de transport garés, voilà ce qui caractérise ces journées chaque année sans qu'on entrevoie l'espoir d'un changement dans les comportements. La notion de service public n'existe vraisemblablement pas chez les commerçants et les transporteurs privés qui n'hésitent pas à s'octroyer le droit de «chômer» à ces occasions. C'est devenu une habitude pour le citoyen de constituer son stock de produits nécessaires, mais nombreux sont aussi ceux qui se laissent surprendre par des étals vides de marchands de fruits et légumes et de bouchers pris d'assaut par les plus avisés durant toute la journée. Mais la plus grande crainte des consommateurs, c'est cette tension qui règne sur le pain et sur le lait. Il est maintenant de notoriété que les boulangers ferment boutique durant les deux journées. La raison avancée est que leurs employés résident en majorité dans les villes et villages de l'intérieur du pays. A peine une brèche, très tôt le matin de l'Aïd, pour une vente éclair qui voit de longues files se former devant certaines boulangeries. Pour les retardataires, c'est le parcours du combattant pour trouver quelques baguettes. Comme la nature a horreur du vide, et que celui-ci est fait pour être occupé, ce sont les vendeurs informels qui trouvent ainsi le moyen de se déployer au niveau de certaines communes, et de remplir l'espace laissé par les commerçants. Une opportunité qui leur permet de faire fortune en augmentant les prix, notamment pour les fruits, indispensables pour les visites familiales. Il faut mettre la main à la poche sans rechigner, pour ne pas l'avoir vide au moment de franchir le seuil de l'appartement d'un parent. Le comble, c'est qu'il y en a souvent plusieurs à retrouver en ces moments de pardon. Seulement, acheter des fruits ou des pâtisseries ne constitue pas la seule épreuve, l'autre étant de trouver un moyen de locomotion. Un autre parcours du combattant pour des familles qui restent en rade des heures à attendre un taxi. Pas seulement pour des visites de courtoisie et d'absolution, mais aussi à des proches que la maladie a séparés des leurs et qui ne peuvent quitter l'hôpital le temps d'une permission. Là encore, nombreux sont les malades qui passent l'Aïd au sein de l'un de ces établissements sans qu'ils puissent recevoir des membres de leurs familles, celles-ci ne pouvant effectuer le déplacement en raison de leur éloignement. Heureusement qu'il existe des âmes charitables et des associations dont l'objectif est de réchauffer les cœurs de ces malades par différentes actions. L'Aïd, c'est aussi cela.