De notre correspondant à Constantine A. Lemili Sur le thème du détournement à des fins personnelles du patrimoine public par des individus ou groupe d'individus ayant mis à profit leur statut de responsables dans des institutions étatiques, toutes natures confondues, à Constantine, la morale, toutes réserves gardées, semble avoir été depuis l'indépendance plus ou moins préservée. Quoiqu'il relève du plus parfait des surréalismes de pouvoir investiguer librement sur ce thème et plus particulièrement en l'absence de sources crédibles et, si tant est qu'elles puissent être trouvées, d'obtenir leur aide pour des raisons qui ont largement leurs justifications, nous avons tenté, autant que faire se peut, de trouver le fil de l'écheveau et de déterrer une exception. Celle-là même qui, par l'existence de preuves matérielles, étayerait ce que l'imaginaire populaire véhicule outrancièrement. Nous n'avons eu droit qu'à une omerta au demeurant prévisible et dans le meilleur des cas à des approximations. Le sujet demeurant plus que sulfureux pour quiconque s'aviserait d'en parler dans le cadre de ses responsabilités ponctuelles et même pour ceux qui, éloignés de la chose publique, se réfugient derrière le devoir de réserve. Il n'est pas dit que des détournements n'aient pas eu lieu au cours des vingt-cinq années ayant suivi l'indépendance du pays. Nul parmi les Constantinois n'aura oublié que, dans l'une des artères les plus chics de la ville, le service d'information de l'ANP a été délogé pour que ses locaux soient attribués à l'époque (milieu des années 70) à une dame qui en fera une «halte» du prêt-à-porter haut de gamme et de la haute couture, point de chute d'une jet-set larvée. Des locaux qui retrouveront rapidement, étrange retournement de situation, leur vocation publique par l'installation simultanée d'une agence commerciale d'Air Algérie et actuellement d'un comptoir de BCR. Quoi qu'il en soit, la dame en question aurait bénéficié d'autres locaux abritant aujourd'hui un commerce réputé de pâtisserie-confiserie. La rumeur publique qui, forcément, a pour soubassement en réalité des… vérités vraies, si démultipliées seraient-elles, alimentera la rue par l'affectation ou l'attribution d'autorité d'usines coloniales désaffectées à des magnats locaux à l'état encore embryonnaire parce qu'illustres inconnus mais solides prête-noms dont des montages financiers complaisants et tout autant requins réhabiliteront, voire consolideront l'authenticité en la drapant de la respectabilité. Là également, des noms connus sur la place de Constantine seront fournis…, en fait murmurés mais des noms qui seront à demi-mot prononcés ou subrepticement et judicieusement évoqués par la presse indépendante, une fois le paysage doté de la liberté d'expression.Avec un franc-parler nouveau, certains confrères au fait des dossiers parce qu'anciennement scribes des titres étatiques et, par voie de conséquence, directement ou indirectement informés par des membres de la nomenklatura fourniront d'une manière perlée des informations souvent peu convaincantes et hésitantes et dont le seul mérite est qu'elles livraient de la manière la plus crue possible des pratiques attentant au patrimoine public relevant presque du sport national mais jusque-là tues pour des raisons qu'il serait difficile de reprocher aux plus fonctionnaires que journalistes des organes de presse de l'époque.Avec le déballage de certaines affaires, les banques, dont quelques responsables s'étaient laissés aller allègrement à fermer les yeux sur les emprunts pharamineux contractés par un ou deux réputés investisseurs et au mépris de ce qui leur fait dogme, à savoir l'orthodoxie de gestion, décidaient toutefois de renverser la vapeur pour prendre à la gorge leurs débiteurs dont l'intérêt cumulé de l'emprunt, à lui seul, représentait parfois le coût de réalisation d'une usine livrée clés en mains. C'est le cas à titre d'exemple de l'unité publique de verrerie du Khroub que la BEA récupérera à perte d'ailleurs comparativement aux aides accordées pour rentrer partiellement dans ses fonds. L'un des plus gros débiteurs de la même banque est redevable de 1 400 milliards, les pouvoirs publics via leurs différentes institutions ont placé sous tutelle publique l'essentiel de ses biens, toutes les réalisations en cours comme les terrains d'assiette abritant ses chantiers, ses magasins justifiant l'emprunt ont réintégré le domaine public. Mais quoi qu'il en soit, si la vox populi en parle et se gargarise, l'affaire en elle-même appartient officiellement au secret des dieux.Est-ce le fait d'une intelligence supérieure que les détournements du patrimoine public n'empoisonnent pas la vie aux Constantinois ou tout bonnement n'existeraient-ils que dans l'imagination fertile des uns et des autres ? La réponse est sans ambages : c'est l'amalgame parfait entre les deux hypothèses.