Le feuilleton de la pomme de terre rebondit. Cette fois non pas du côté des prix, mais de celui de la surproduction. Ces derniers jours, en fait, les agriculteurs ne cessent de crier haut et fort leur désarroi face aux prix qui deviennent de plus en plus dérisoires, n'arrivant même pas à couvrir leurs dépenses. Certains affirment même, sur ce point, qu'ils pourraient subir une perte nette de 30 millions de centimes pour chaque hectare, alors que l'investissement a coûté, pour la même surface, une soixantaine de millions. Etant donné que la production est abondante, les prix baissent automatiquement, mais le comble de l'ironie, c'est que des voix s'élèvent pour prédire une hausse du prix de ce tubercule dans les prochains mois. Le mois sacré n'est qu'à quelques encablures et la demande sera certainement plus importante. «Que faire face à une telle situation ?» s'interroge-t-on dès lors. Le kilo qui se vend actuellement aux environs de 20 DA risque d'exploser pour atteindre des seuils intolérables. Explication : on s'attend cette année à une production nationale qui va atteindre les 4 millions de quintaux. Cependant, à cause de l'impossibilité de stocker ce surplus, les agriculteurs risquent de voir une partie de ces quantités se détériorer. Cette situation risque de se répercuter sur cette activité et causera même dans quelques mois une hausse vertigineuse des prix. L'Etat, de son côté, promet d'acheter la surproduction. Le problème de la régulation du marché reste ainsi posé avec acuité. Il y a quelques jours, des agriculteurs, estimant et évaluant la production à des millions de tonnes, ne cachaient nullement leurs craintes quant à la question du stockage. Y a-t-il un manque en chambres froides ? La question reste posée. On se souvient, sans l'ombre d'un doute, du cycle infernal vécu par la population l'année dernière. La pomme de terre avait volé la vedette à tous les légumes, atteignant 80 DA le kilo. Le gouvernement, pour y remédier, avait même annoncé l'importation de 400 000 tonnes de ce tubercule pour inonder le marché et faire baisser les prix. A titre illustratif, la wilaya de Aïn Defla, qui alimente le marché national à hauteur de 35%, connaît cette année une baisse surprenante des prix. Les agriculteurs de la première région prévoient une production de 2 millions de quintaux, une quantité que ne peuvent contenir toutes les chambres froides de la wilaya, ce qui a aussi ravivé la crainte des agriculteurs quant à une éventuelle crise causée principalement par l'abondance perçue ces derniers jours dans plusieurs régions du pays. Même son de cloche à Bouira. Dans cette wilaya, une centaine d'agriculteurs se sont rassemblés il y a quelques jours afin de soumettre leurs doléances au chef de cabinet du wali et de lui demander d'intervenir en urgence pour régler leurs problèmes de conservation et de commercialisation. Leur joie de voir la récolte apporter ses fruits n'a pas duré. Le marché a eu raison de leur labeur. Cette situation, au demeurant, a porté un coup dur aux attentes des agriculteurs qui ne savent plus à quel saint se vouer. Le président de la Chambre nationale d'agriculture, M. Ould Houcine, lui, parle de la nécessité de rechercher des mécanismes pour assurer la durabilité de la stabilité des prix de la pomme de terre à travers l'implication des pouvoirs publics et leur soutien aux producteurs. S. B.