De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche En dépit des solutions trouvées par l'Etat pour les dédommager, à la suite de l'excédent dans la production de la pomme de terre saisonnière, des centaines d'agriculteurs et de producteurs de ce tubercule, des localités de Aïn Bessem, Bir Ghbalou, El Esnam et Bechloul sont revenus lundi dernier à la charge. Ils ont bloqué la RN 5 à la sortie est de la ville de Bouira en déposant leur production sur la chaussée pour exiger des autorités des solutions immédiates à même de leur éviter des pertes considérables. En effet, certains organismes des autres wilayas (Boumerdès, Béjaïa et Blida) ont refusé de stocker les quantités acheminées à partir de Bouira, à la suite de l'accord passé entre les responsables du ministère de l'Agriculture et les représentants des producteurs de pommes de terre : l'Etat allait acheter aux agriculteurs leur production à raison de 20 DA le kilo et prendrait en charge les frais de transport et de stockage. Une issue qui a été reçue au départ avec satisfaction, bien que certains producteurs considèrent que le prix proposé par le ministère est insuffisant par rapport au prix de revient du kilogramme de ce tubercule, en raison des dépenses qu'ils ont consacré pour l'acquisition des facteurs de production. Ces derniers prévoient, de ce fait, d'abandonner la production de la pomme de terre à l'avenir et appréhendent la répétition du même scénario que celui de l'automne de l'année dernière, où le prix du kilo de pomme de terre avait atteint un seuil insupportable pour les consommateurs. D'après les renseignements recueillis auprès de certains producteurs, en 1999, la production de pommes de terre au niveau de la wilaya de Bouira ne dépassait guère les 10 000 quintaux. Mais depuis la mise en place de la politique du PNDA, la production de pomme de terre s'est hissée à la troisième place des activités agricoles dans la wilaya de Bouira, derrière la céréaliculture et l'oléiculture. Ainsi, pour cette saison, la production de pomme de terre a atteint un niveau record avec un rendement de 300 à 350 quintaux à l'hectare. Mais pour les agriculteurs, cette surproduction ne s'est pas soldée par de gros bénéfices ; bien au contraire, certains ont été contraints de vendre leur produit à 5 DA le kilogramme et, au niveau du marché des fruits et légumes, le kilo de pomme de terre est passé sous la barre de 20 DA. Par ailleurs, dans le cadre du PNDA et grâce aux aides de l'Etat, près de 19 chambres froides ont été acquises par les agriculteurs pour le stockage de leur produit. Cependant, les capacités de conservation sont en deçà des attentes des agriculteurs, car les structures existantes ne peuvent prendre en charge que 180 000 quintaux alors que la production de pomme de terre a atteint cette année le chiffre de 800 000 quintaux, c'est-à-dire plus de quatre fois plus que la quantité qui peut être stockée. D'autre part, parmi les motifs qu'ils avancent pour exiger que l'Etat leur octroie des compensations conséquentes, certains producteurs évoquent les dépenses inhérentes aux facteurs de production de ce tubercule. Selon eux, le prix de la semence de pomme de terre a atteint un seuil insupportable cette saison. Mohamed Badis, un ingénieur qui exerce comme conseiller agricole au niveau de Bouira, a indiqué que le prix moyen du kilo de semence est de 30 DA pour la pomme de terre locale et de 120 DA pour la semence importée. Il ajoute que le producteur qui veut avoir une bonne récolte doit planter entre 25 et 35 quintaux par hectare. Le prix des engrais se sont également envolés pour atteindre 5 737 DA le quintal pour le NPK 3*15 commercialisé par Fertial (ex-Asmidal) d'Annaba et 5 740 DA le quintal pour le NPK 11.15.15 vendu par Profert de Béjaïa qui sont utilisés par dose de 15 quintaux par hectare. Les producteurs opèrent aussi des traitements fongiques contre le mildiou au moins deux fois par mois avec des produits dont le prix oscille entre 1 600 et 3 600 DA. Ils utilisent aussi des insecticides dont le coût pour un hectare varie entre 200 DA pour le Méthomy) et 800 DA pour le Karaté), des engrais foliaires tels que NPK 3*20 utilisé à une dose de 2 kg par hectare et dont le coût est estimé à 400 DA/ha, des apports en potasse dont le prix du litre (Baypotass de la maison Bayer) est estimé à 850 DA. A ces frais s'ajoutent une moyenne de trois millions de centimes par hectare de dépenses pour le carburant et 14 000 DA pour l'irrigation d'un hectare. Le même interlocuteur ajoute que la majorité des producteurs ne sont pas propriétaires des terres qu'ils cultivent et que, pour cette catégorie, l'investissement dans cette filière nécessite la location des parcelles de terre. Le prix moyen de la location d'un hectare dans le périmètre irrigué de Aïn Bessem, situé à 25 km à l'ouest de Bouira, tourne autour de 5,5 millions de centimes. De plus, les agriculteurs déboursent en moyenne 14 400 DA pour payer deux ouvriers qui travaillent à raison de 600 dinars la journée pendant une durée minimale de 120 jours. Notons enfin que, du côté de la cellule de communication de la wilaya, nous avons appris qu'une délégation constituée par les producteurs a rencontré le wali de Bouira dans la soirée de lundi dernier, lequel leur a promis de communiquer les nouvelles donnes et les préoccupations des agriculteurs au ministère.