Photo : Riad De nos jours, la pauvreté à Annaba a atteint un seuil jamais égalé jusque-là et des familles entières se comptent ces derniers temps parmi les milliers de gens nécessiteux. En effet, le chômage endémique qui a frappé toute la région n'a pas été sans conséquence sur l'édifice social durement secoué par les liquidations et les fermetures d'entreprises. Pour preuve, il n'est nul besoin d'études ou d'experts pour mesurer la profondeur du mal, une simple observation de ce qui se passe dans la rue est amplement suffisante et renseigne sur la déliquescence de la société locale. En effet, il n'est pas rare de voir des femmes et des hommes en haillons aux abords des différents marchés ramassant les légumes et les fruits pourris, choisissant dans les poubelles ce qui peut être comestible pour rentrer avec quelques denrées et préparer le déjeuner ou le dîner pour les enfants qui rentrent de l'école. On essaye de se cacher de crainte d'être vu par quelque voisin qui pourrait raconter et on fait semblant d'avoir acheté le contenu des sachets qu'on trimbale pour très vite disparaître au coin d'une rue. D'autres, sur le trottoir, interpellent les passants et font appel à leur compassion et leur pitié pour avoir quelques dinars ou demander à ce qu'on leur achète du pain ou du lait ; ils sont généralement aux alentours des mosquées et des restaurants, mendiant leur pitance jusqu'à la nuit tombée. Ils rentrent chez eux pour passer une nuit aussi misérable que les précédentes et revenir le lendemain au même endroit, sachant que leur situation ne changera pas de sitôt. Parmi ces gens, il y en a qui étaient plus ou moins à l'abri puisqu'ils travaillaient et pouvaient gagner de quoi vivre décemment mais après avoir perdu leur emploi suite aux nombreuses restructurations, liquidations et fermetures des entreprises où ils travaillaient, ils se sont retrouvés à la rue. Ils ont résisté quelque temps, recourant aux emprunts auprès d'amis, puis lâchés par les uns et les autres, ils ont plongé comme ceux qui avaient subi le même sort avant eux. Le marché de la fripe à Annaba est aujourd'hui florissant, on ouvre ce type de magasin à tout va, cela démontre qu'il y a une forte demande, une clientèle nombreuse qui grossit parce que tout simplement le nombre de pauvres augmente. On ne s'habille plus comme avant, on porte des habits qui ont l'apparence du neuf mais qui en réalité sont usagés et peut-être à l'origine de plusieurs maladies de la peau apparues ces dernières années. La direction de l'action sociale (DAS) essaye avec les maigres moyens dont elle dispose d'aider ces populations pour qu'elles bénéficient de dons ou d'aides à l'occasion des fêtes religieuses ou de la rentrée scolaire mais cela reste très insuffisant et ne touche pas la majorité des familles nécessiteuses. Certaines pourtant essayent de s'en sortir tout en gardant leur dignité d'antan. On accepte n'importe quel travail pourvu qu'il soit honnête. Certains ont quitté la ville pour aller à la campagne et travailler la terre, d'autres se sont trouvé des petits boulots rémunérés mais qui peuvent aider, d'autres sont revenus au bled et se sont installés dans la maison de leurs vieux parents. Il faut dire que la situation générale à Annaba n'est guère reluisante et à moins d'un miracle économique -probabilité à écarter au vu des données actuelles- il n'y aura pas d'amélioration. La fronde sociale couve…