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«La relation se développe avec l'âge et les conditions de vie»
Zerrouk Ahcene, enseignant en sociologie de l'éducation à l'université de Béjaïa :
Publié dans La Tribune le 17 - 10 - 2009


Entretien réalisé par Nabila Belbachir
La Tribune : En tant que sociologue, quel regard portez-vous sur les relations amoureuses qui diffèrent d'une catégorie à une autre dans notre société ? Quelles relations pour quelles catégories ?
Zerrouk Ahcene : La relation amoureuse n'est pas statique, elle se développe avec l'âge et les conditions de vie. Il est évident que ces relations sont différentes d'une catégorie à une autre dans la mesure où les Algériens sont différents d'un âge à un autre et d'une région à une autre. Le problème n'est pas là du moment qu'on a presque les mêmes repères surtout religieux, mais dans ces dernières années il y a des relations amoureuses qui s'inspirent de l'extérieur qu'il faudrait maîtriser pour ne pas décontextualiser (concept sociologique) le sentiment d'amour dans notre société.
Le changement des conditions de vie influe-t-il sur les relations amoureuses ?
Certainement, comme j'ai dit les conditions de vie (pas seulement économiques) changent même la conception de vie chez l'individu.
Le changement est la seule chose qu'on ne peut pas éviter dans l'existence de la société. Parmi les facteurs qui ont changé la relation amoureuse en Algérie on trouve :
- le facteur démographique : 71% des Algériens sont des jeunes ; alors il y a la domination quantitative de ceux qui peuvent donner un autre sens à l'amour dans la mesure où ces jeunes sont facilement changeables d'une manière ou d'une autre ;
- les adultes sont dépassés dans ce stade ; un père qui à 7 enfants n'est pas comme le père qui en a 2 ;
- le facteur de perte de confiance par les parents qui se doutent de leur manière d'apprivoiser cette relation. Par exemple, une fille qui a terminé ses études supérieures n'est pas facilement maîtrisable par les parents, car ces derniers valorisent la fille et tout ce qu'il vient d'elle. Car ils ont un complexe d'infériorité envers leur fille. Alors l'excès de confiance de la fille provoque la perte de confiance d'eux-mêmes. On trouve aussi le développement des télécommunications et l'absence de culture de consommation de l'image chez la plupart des Algériens.
Quel est le poids des traditions dans ces relations ?
Le désir du changement des jeunes et la faible influence des anciennes générations, qui revient au niveau intellectuel très faible de ces dernières, le développement des moyens de communication, l'immigration….
ont produit le changement de valeurs. Les jeunes ne connaissent pas l'histoire de leur pays, le passé de l'Algérie pour eux, c'est un recul, ils veulent construire leur avenir à partir du passé. La violence des années 90 qui a affaibli la religion musulmane en Algérie et l'absence de l'école dans l'éducation sexuelle des enfants ont laissé un vide dans la transmission de valeurs entre générations (Au Japon c'est l'école qui prépare l'enfant au mariage).
C'est les valeurs étrangères qui remplissent le vide provoqué par le laisser- faire. Qu'est-ce qui réussi le mieux selon vous : le mariage de raison ou par amour ?
L'idéal c'est la présence des deux, bien sûr, car chez nous on réduit souvent toute la vie au mariage alors que ce dernier est une partie importante de la vie. Ce n'est pas la vie elle-même… Vous savez ! Il y a toujours un problème dans cette question, ce qui reste de nos traditions ne laisse pas trop la place à l'amour ; et ce qui vient de l'Occident laisse peu de place à la raison. Le jeune Algérien est perdu entre les deux choix.
Comment doit-on se comporter dans une relation amoureuse ?
Il n'y a pas un comportement spécifique pour toutes les relations amoureuses, chacun a son propre style de vie, sa sincérité, sa transparence, surtout avoir
un projet de vie..., sont indispensables pour l'existence de cette relation.
La relation mère et fille existe-t-elle encore ? Comment la voyez-vous : complicité, permission ou autre ?
Heureusement que cette relation existe toujours. La mère est le seul guide de sa propre fille surtout avec la difficulté d'intervention du père, c'est un héritage de nos traditions. Je souhaite que le père aussi participe à l'orientation et la sensibilisation de la fille. Mais, malheureusement cette relation entre la mère et la fille est influencée par les facteurs que j'ai cités déjà, Il y a la complicité dans certains cas dans la transformation du sens de l'amour dans notre société.
Le couple a-t-il droit à un lieu privé qu'il pourrait s'approprier ?
Quel lieu pour quel couple ? Les couples dans notre société traditionnelle sont ceux qui sont mariés et leur lieu privé, c'est la maison, maintenant, si ce sens a changé il faudrait changer même le lieu !!!! Et chaque couple peut faire son choix.
L'amour gêne-t-il dans notre société ?
La présence de l'amour dans la société n'est pas un choix, c'est inévitable. Alors sa présence ne gêne pas, il fait partie de la vie. Certaines manières d'expression de ce sentiment provoquent certaines réactions négatives de la part d'une catégorie de personnes qui ont une différente vision de l'amour que la personne qui a exprimé son sentiment.


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