Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Le Pr Aberkane, ex-ministre de la Santé, a allumé une véritable mèche jeudi dernier au cours de la rencontre corporative organisée par le conseil de l'Ordre des médecins de la région de Constantine sur le thème de «Ordre et médecine de qualité». L'ancien ministre et actuel responsable du service de réanimation médicale au CHU Constantine est parvenu, sans nul doute, aux fins qu'il souhaitait, à savoir susciter l'émergence d'un débat… un profond débat, en prenant la parole et surtout en descendant en flammes toutes les certitudes dominantes dans le secteur de la santé. Mais pouvait-il en être autrement sachant la déliquescence totale dans laquelle est plongée la médecine algérienne d'autant que l'éminent professeur devait intervenir sur un volet préoccupant compte tenu des réalités du terrain, à savoir «la formation, la compétence et le comportement». Le constat est implacable d'autant que l'intervention de M. Aberkane devait être suivie de celle de son homologue M. Bouguerba, dont la communication visait à établir la «relation médecin-malade et son apport à la prise en charge [du malade]». Deux sujets clés qui résument à eux seuls le malaise général qui prévaut dans le secteur et qui pourraient avoir aussi comme dénominateur commun le souhait formulé par le président du conseil national de l'Ordre des médecins de «dépénaliser l'erreur médicale» qui fournira, en marge de la rencontre, le nombre de «50 médecins actuellement emprisonnés pour faute médicale». En tout état de cause, à mi-parcours de la journée, les avis étaient partagés sur le réquisitoire livré par l'ancien ministre qui ne s'exprimait en connaissance de cause d'autant que son intervention très documentée s'appuyait sur des chiffres et des statistiques précis qui ne laissaient place à aucune parade si tant est que ses contradicteurs aient pu avoir des arguments valables. Bien entendu, pour pouvoir évaluer la situation actuelle de la médecine en Algérie, il aurait fallu tout d'abord faire les état généraux du secteur et c'est à cela que s'est évertué le Pr. Aberkane, qui parviendra à démontrer avec aisance l'énorme décalage entre les deux acteurs essentiels que sont le malade et le praticien, ainsi que les interférents dans le domaine, à l'origine duquel sont souvent, si ce n'est en général, les laboratoires pharmaceutiques qui détiennent, ce qui est d'ailleurs de notoriété publique, un réel pouvoir sur une grande partie du corps médical et sur l'acte prescrit lui-même. D'aucuns parmi les intervenants qui se sont estimés, à tort ou à raison, interpellés par l'intervention de l'ancien ministre évoqueront «une attitude nostalgique qui ne tient pas compte de l'évolution de la médecine et des nouvelles exigences du secteur», alors que le reste soutiendra son administration en confirmant qu'il n'existe «plus de médecine de qualité en Algérie parce qu'il n'existe pas non plus une quelconque politique de formation de qualité comme il y a absence totale de formation continue». Ces deux failles dans le système de formation seraient à l'origine, donc, de tous les maux du secteur auquel il n'est prêté aucune volonté de vouloir corriger la trajectoire, aussi bien dans les milieux du département directement concerné qu'à l'échelon gouvernemental. C'est en fait toute la politique en place, sinon l'absence d'une politique lisible, qui est remise en cause. Rencontré lors d'une suspension de séance, de nombreux médecins parmi les participants ont affirmé «qu'il ne faudrait pas voir en la communication du Pr Aberkane un quelconque réquisitoire contre la politique ou les programmes nationaux autour de la médecine, sachant que ce dernier a été membre du gouvernement et aurait, sans doute, sa part de responsabilité dans cet état [sinistre] des lieux, mais n'y retenir qu'un constat des plus lucides sur une situation qui appelle à un ressaisissement rapide parce que cela est encore possible». Pour le Dr H. Hakim, le constat est beaucoup plus douloureux : «L'ordre de comparaison de notre médecine était, il y a une vingtaine d'années, fait par rapport à Paris. L'écart sans être énorme nous appelait toutefois à nous mettre au diapason. Or, au jour d'aujourd'hui, cette comparaison se fait avec la médecine de nos pays voisins, en l'occurrence le Maroc et la Tunisie qui sont loin, bien loin devant notre pays. La prochaine comparaison se fera peut-être avec le Bénin ou le Lesotho sans qu'on ait à percevoir aucune forme de mépris à l'endroit de ces pays». Enfin, pour conclure, l'un des intervenants dira que «l'Algérie a importé pour 1,3 milliard de médicaments en 2008. Notre pays a également importé pour plus de 2 milliards de véhicules». C'est dire l'intérêt qu'ont les pouvoirs publics pour le secteur» du médicament.