L'indépendance acquise, l'Algérie se devait de retrouver son identité et d'inscrire dans la postérité sa révolution. Rebaptiser les rues, boulevards, et places publiques s'inscrivait dans cette optique de recouvrement. Qu'en est-il quarante ans après ? La situation demeure, hélas, peu reluisante. Il n'est pas rare, alors qu'on demande la localisation d'une rue commune en usant de son appellation officielle, de se voir regarder avec de grands yeux par le commun des quidams. Un état de fait lourd d'enseignements. Il est vrai que les rues, cités, et édifices culturels en Algérie portent en grande partie des noms de martyrs de la révolution. Mais il reste cependant des zones populaires «sans nom». Une situation pour le moins déplorable. On se demande si les organismes auxquels revient la responsabilité des appellations ont conscience de l'impact de l'approximation dans un domaine aussi sérieux. Un cafouillage qui a créé des aberrations qu'on tente tant bien que mal de colmater. De grandes figures de la nation ont été occultées (jusqu'a récemment pour certains) pour des raisons politiques et idéologiques. Il demeure impératif de corriger ces incongruités. Des situations inconcevables subsistent. Des cités à travers le pays construites depuis l'indépendance portent comme nom le chiffre des logements contenus. Une réalité aberrante qui dénote allégrement le degré d'irresponsabilité des organismes compétents. Un pays nommé Algérie, à la culture et l'histoire densément riches et ce, depuis des temps immémoriaux, trouverait du mal à honorer les siens. Le fait que les Algériens dans la vie de tous les jours continuent d'appeler les rues par le nom «colonial» est symptomatique d'un désarroi identitaire et culturel. Cela sans parler des dénominations qui ont fait et font encore polémique. L'Algérie est riche de personnalités historiques, culturelles et même sportives. Il suffit donc de puiser dans cette richesse sans fond. Il est indéniable que beaucoup de chemin reste à parcourir pour un jeune Etat. Le problème a d'ailleurs été judicieusement évoqué par le grand Mostefa Lacheraf dans son sublime Des noms et des lieux mémoires. L'historien prendra ardemment la défense de cette Algérie «oubliée» et axera sur l'impératif de revenir à ses référents historiques et identitaires. Il y va de l'existence même d'une nation. M. B.