Photo : S. Zoheir Par Kamel Amghar Tout être humain traverse, comme çà, des moments de dépit et de désespoir qui suscitent immanquablement des sentiments de mélancolie, d'abattement, de doute et de peur du lendemain. Ces passages à vide, qui s'accompagnent généralement de profondes remises en cause, obligent l'homme désemparé à faire face à lui-même, à se chercher sans cesse pour repartir du bon pied dans la vie. Les nations aussi vivent des histoires douloureuses, souvent même dramatiques, avant de se frayer un chemin dans l'histoire. Des peuples entiers souffrent, parfois durant plusieurs générations, pour trouver l'équilibre qu'il faut à un grand saut vers l'avant. L'histoire regorge d'exemples de cette nature. Toutes les nations dites aujourd'hui civilisées ont connu de telles expériences extrêmement pénibles, mais aussi déterminantes dans le développement et le rayonnement qu'elles ont réussi à atteindre aujourd'hui. Les Etats-Unis, le Japon, la France ou l'Allemagne ont tous frôlé la catastrophe pour renaître de nouveau sous un beau jour. Des pays émergents comme la Chine, le Brésil ou l'Inde ont également été confrontés à de graves déchirements avant de se forger les destins planétaires auxquels ils aspirent aujourd'hui. Comme quoi les roses poussent toujours sur des tas de fumier. Le coup qui ne tue pas raffermit toujours son bonhomme. L'Algérie a survécu à une crise extrêmement violente. Le déchaînement terroriste de la décennie 1990 a mis le pays au bord du gouffre avant que la nation ne se ressaisisse pour amorcer de nouveau sa marche implacable vers le progrès et la modernité. Durant toutes ces années dites rouges, tous les Algériens se posaient la même question au sujet de leur cauchemar collectif et s'interrogent sur la voie à suivre pour s'en sortir. Tout le monde se suspectait. Tout le monde avait la même peur pour sa vie, celle de sa petite famille et, par extension, le destin du pays tout entier. Certains avaient choisi l'exil pour résister. D'autres en sont restés pour sauver l'essentiel. Ils y avaient aussi ceux qui se sont suicidés et ceux qui se sont jetés à la mer à la recherche d'un rivage plus clément. On était arrivé à douter du patriotisme des nouvelles générations. Le rapport des jeunes au pays de leurs ancêtres était en effet des plus «exécrables». Ces jeunes étaient en fait sérieusement ulcérés par la descente aux enfers de leur terre natale. Au fond, ils aimaient beaucoup leur pays et lui en voulait à la fois. La régression était vertigineuse, abrupte et violente pour ne pas contrarier les rêves fous d'une jeunesse pleine de vie. On s'insurgeait contre ce pays qui coule, ce pays qui chute, ce pays qui fait rire ses ennemis. Le retour progressif à la paix à partir de l'année 2000 a fait renaître l'espoir. Chacun s'est trouvé alors une raison pour s'y faire sa petite place au soleil. A chaque occasion, cette jeunesse qu'on soupçonnait d'indifférence monte au créneau pour saluer toute réalisation qui marque la moindre avancée dans la voie du redressement et de la modernité. L'enthousiasme des millions d'Algériens pour les victoires de l'équipe nationale de football dépeint parfaitement cette débauche extraordinaire d'énergie, cette volonté commune, à rendre au pays toute sa place dans le concert des nations. Il se veut l'expression d'une soif de succès et de réussite qui dépasse la sphère proprement dite du sport. Ni le terrorisme infâme, ni les marchands ignobles de la mort et de la drogue ne pourront, désormais, atteindre cet élan collectif vers le développement et l'émancipation du pays dans son ensemble. La profonde motivation du peuple algérien à bâtir son avenir, à partir des valeurs qui sont les siennes, aura enfin le dernier mot. Les algériens, jeunes et moins jeunes, veulent s'illustrer et se distinguer dans tous les secteurs. La culture, la science, l'art, la technique, la construction du pays dans tous les secteurs d'activité, toutes les avancées sont bonnes à prendre et seront dûment célébrées. La dynamique gagnante de l'équipe nationale de football et les scènes de liesse qui l'accompagne aux quatre coins du pays symbolisent profondément cette rage de vaincre et ce désir de vivre dans la paix et la prospérité. On aime passionnément cette Algérie qui gagne, cette Algérie qui bouge dans le bon sens, cette Algérie qui sort résolument des oubliettes. Tous les responsables de ce pays, à quelque niveau que ce soit, n'ont pas le droit de décevoir cette coulée de vie et cette régénérescence du sentiment patriotique qui annoncent des lendemains meilleurs pour tous. Ils doivent aussi croire autant, sinon plus, à cela pour y parvenir.