L'un des derniers ténors de la pensée du XXe siècle, le philosophe anthropologue français Claude Lévi-Strauss, a tiré sa révérence, vendredi dernier à l'âge de 101 ans, ont annoncé les médias français mardi. L'annonce de son décès a été retardée par sa famille pour éviter de subir une pression médiatique et opulaire lors des obsèques, qui se sont déroulées lundi dernier.Né en 1908 à Bruxelles, de parents juifs français, cet Alsacien était agrégé de philosophie à l'âge de 27 ans. Aussitôt après il s'envole pour le Brésil où il fait une découverte qui a changé sa perception de l'humanité ; à la rencontre des habitants de l'Amazonie, Lévi-Strauss écrit Tristes Tropiques en 1955, un ouvrage dans lequel il explique la vie de ces aborigènes. Il apporte également une nouvelle pensée sur la vie des sociétés humaines. Il est de ce fait le fondateur de l'anthropologie moderne. Plusieurs fois enseignant, d'abord en France avant de s'exiler aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Il retourne définitivement dans son pays pour occuper une chaire au Collège de France en 1959 jusqu'à sa retraite en 1982. Il a également élu à l'Académie française en 1973. Il a notamment publié Les Structures élémentaires de la parenté (1949), Anthropologie structurale (1958), la Pensée sauvage (1962), Mythologiques (4 volumes de 1964 à 1971).«Aujourd'hui pour moi, un moi réel, qui n'est plus que le quart ou la moitié d'un homme, et un moi virtuel qui conserve encore une vive idée du tout. Le moi virtuel dresse un projet de livre, commence à en organiser les chapitres, et dit au moi réel : C'est à toi de continuer.» Et le moi réel, qui ne peut plus, dit au moi virtuel : «C'est ton affaire. C'est toi seul qui vois la totalité.» «Ma vie se déroule à présent dans ce dialogue très étrange», disait-il, non sans ironie, lorsqu'il avait fêté ses 90 ans.En novembre 2008, l'anniversaire de ses 100 ans avait été célébré de manière officielle en France et un hommage national lui avait été rendu, en 2006, par l'ancien président français, Jacques Chirac.«Lévi-Strauss ne cesse de débusquer la géométrie sous la peinture, le solfège sous la mélodie, la géologie sous le paysage. Dans le foisonnement jugé imprévisible des mythes, il discerne une grammaire aux règles strictes. Dans l'apparent arbitraire des coutumes matrimoniales, il découvre une logique implacable. Dans le prétendu fouillis de la pensée des ‘‘sauvages'', il met au jour une complexité, une élaboration, un génie inventif qui ne le cède en rien à ceux des soi-disant ‘‘civilisés''», disait de lui le journaliste Roger-Pol Droit. A. B.