Photo : Riad Par Rachida Merkouche Que faire de son temps libre, où aller pour dépenser le plein d'énergie dont il déborde, comment se distraire et se procurer de la joie. Ce sont des questions que se pose le jeune Algérien qui, à force de ne pas trouver de réponse ni d'issue à sa situation, voit sa vie se consumer peu à peu. Le quartier est le seul endroit qui s'offre à lui, un pan de mur ou une marche d'escalier, le seul espace pour papoter avec ses copains d'infortune. Rien en guise de loisirs si ce n'est des parties de balle ronde dans des lieux qui s'y prêtent rarement, encore faut-il en avoir la passion et être doué. Ici et là, par petits groupes, on partage l'ennui et toutes les tentations. Autrefois lieux de loisirs de haute facture, les salles obscures dont le nombre a considérablement baissé n'offrent rien d'autre que des séances vidéo douteuses et sont loin de susciter un quelconque intérêt pour la culture. Le cinéma ne signifie pratiquement rien pour des jeunes qui n'ont pas connu les heures de gloire du 7ème art et les femmes et les hommes qui l'ont fait, faute d'y être attirés. La tradition a été rompue aussi bien par les pouvoirs publics qui se sont désintéressés des salles de cinéma et les ont abandonnées à l'appétit vorace de gérants soucieux du seul gain, que par ces derniers qui n'ont rien en commun avec l'art. Que dire alors de la lecture et des bibliothèques qui ne constituent nullement des endroits propices à la détente pour la jeune génération qui ne connaît généralement du livre que l'aspect pédagogique (scolaire ou universitaire). On a longtemps ignoré l'intérêt de rendre ces espaces attrayants, et à faire des librairies des lieux qu'on aime visiter. Le fait est qu'aujourd'hui les jeunes n'ont pas une alternative plus gaie à leur situation. Le désœuvrement n'est pas toujours la cause de cet ennui qui est presque une seconde nature chez l'individu en général, un peu plus prononcé chez une génération qui n'a rien vu ni rien connu d'un pays où la détente avait un sens. Les jeunes s'évadent comme ils peuvent, selon leur nature et selon leur fougue. Certains dans des cybercafés, en s'éloignant par l'esprit à travers le «chat», d'autres dans les volutes de joints qui passent de main en main ou dans les particules de comprimés qui les transportent dans le délire. D'autres encore, plus impatients, se «jettent» au large avec l'énergie du désespoir, vers cet ailleurs de leur rêve qu'ils savent difficile à atteindre. Parfois jamais, quand la mer décide de leur sort. Et ça, ils le savent, mais ils s'y engagent quand même lorsqu'ils estiment qu'ils n'ont plus rien à perdre.