De notre correspondante à Tlemcen Amira Bensabeur A moins de trois semaines de l'Aïd El Kébir, l'obsession du mouton a commencé. C'est une véritable hantise, et le prix de l'animal est un sujet de grande actualité. Faisant l'objet de toutes les attentions, le mouton semble être devenu un produit de luxe. La cherté de l'aliment du bétail plonge les éleveurs de la wilaya de Tlemcen dans le plus grand désarroi. Rencontrés aux souks hebdomadaires, bon nombre d'éleveurs de Tlemcen, de Naama et d'El Bayadh affichent la même complainte. La pluviométrie se fait vraiment avare et l'aliment de bétail brille par sa cherté. Devant cette situation périlleuse face à des prix exorbitants, notamment de l'orge qui coûte entre 2 500 et 3 000 dinars et du son à 1 500 dinars, l'éleveur ne sait où donner de la tête. Ainsi, à quelques jours de l'Aïd El Adha, les marchés hebdomadaires connaissent une grande affluence. Le bêlement des bêtes et les files des camionnettes garées à l'entrée des marchés font l'ambiance de ces lieux. Cependant, et au grand dam des citoyens, les prix sont hors de portée des consommateurs. La majorité des citoyens attendent donc que les prix amorcent un mouvement descendant, les derniers jours. Actuellement, les «hawli» coûtent entre 20 000 et 28 000 dinars, mais dès qu'il s'agit d'un mouton aux cornes spirales, c'est autre histoire. Entre 32 000 et 38 000 dinars, à prendre ou à laisser. Seules les «hawliate» sont prisées pour le moment. Ces dernières coûtent entre 9 000 et 15 000 dinars selon la taille et le poids. Mais l'Aïd El Kebir n'est pas seulement une affaire d'éleveurs et de consommateurs. Les intermédiaires, ces maquignons, sont légion dans les souks. Il leur arrive de réaliser des gains considérables. Le plus souvent, ils suscitent la flambée des prix en manipulant les opérations de vente. La fête religieuse, devenue une tradition ancestrale, offre l'occasion de fructifier l'activité commerciale dans les régions. Pour cette année, et à la lumière des indices sur le terrain, le citoyen payera cher le sacrifice rituel de l'Aïd. Du côté du marché du cheptel, que la wilaya de Tlemcen compte organiser avec l'ouverture de plus de cinquante points de vente, les acheteurs potentiels tâtent l'épaisseur de la toison laineuse du mouton, évaluent son poids et vérifient méticuleusement la dentition de l'ovidé tout en faisant grand cas de la couleur de sa robe qui doit être de préférence blanche. Fête par essence du recueillement, de retrouvailles et de liesse populaire, l'Aïd El Adha, qui sera célébré dans trois semaines demeure le souci majeur des pères de famille, particulièrement ceux pour qui cette fête sacrée suppose une véritable et périlleuse acrobatie budgétaire. D'emblée, un constat de taille s'impose : la fièvre est montée crescendo sur le marché du cheptel. Certes, l'offre est abondante, mais les prix sont loin d'être attrayants particulièrement pour les petites bourses. En parallèle, pour les maquignons qui dictent leur loi, c'est une aubaine à saisir pour réaliser de bons chiffres sans se soucier du respect du consommateur et face à l'absence d'une régulation du côté des pouvoirs publics. Les prix sont fixés selon la discrétion des éleveurs complices avec des maquignons qui font passer le mot d'ordre, alors que les consommateurs semblent déroutés par les prix «stratosphériques», facteur qui provoque ces derniers jours une véritable frénésie. Les prix augmenteront les jours à venir, et bon nombre de citoyens trouveront des difficultés pour en prendre un. Déjà, on cherche le moyen de facilité. Pourtant, pour rien au monde un père de famille, même pauvre et sans ressources, ne peut renvoyer aux calendes grecques cette obligation sociale de sacrifier un mouton pour éviter «la risée» des voisins et le regard accusateur de ses enfants. C'est dire si beaucoup s'endetteront pour voir sedessiner le sourire sur les lèvres de leurs enfants.