Difficile de croire en la disponibilité des représentants des collectivités locales à être près de leurs concitoyens et partager leurs préoccupations. «Les maires et autres élus ne se souviennent de nous que les jours des élections…» entend-on souvent dire des hommes et des femmes, nombreux à accuser «l'Etat et ses représentants» de «livrer le peuple à son triste sort». Ces problèmes à n'en plus finir En effet, tout semble être fait exprès pour amener le pauvre citoyen à se cantonner, bon gré malgré gré, dans un espace d'action et de pensée qui ne pourrait jamais aller au-delà d'une certaine limite. Les lignes rouges sont tracées et gare à celui qui ose les franchir ! Et pourtant ! Les problèmes individuels et collectifs sont tellement nombreux que l'on ne pourrait pas faire semblant de les ignorer : problèmes de logement, familles nombreuses, habitations qui menacent ruine, chômage, salaires très bas par rapport aux prix élevés des produits de large consommation, anarchie dans le transport, dans les marchés… Un cadre de vie qui n'offre pas un minimum de paix et de détente. Les problèmes s'accumulent et les frustrations engendrées pèsent très lourd sur le physique et le moral. Il n'y a qu'à jeter un regard furtif sur les visages des jeunes et des moins jeunes, dans nos différents quartiers, à Alger comme partout ailleurs dans le pays, pour se rendre compte de l'ampleur de l'angoisse, de la colère, de la haine, de l'incertitude, du désarroi qui s'empare de l'âme et de l'esprit. Les problèmes posés trouvent rarement des solutions. Surtout lorsqu'il s'agit du logement ou du travail. «Tous les Algériens ont ce problème de logement. Vous n'êtes pas le seul à en souffrir», répondent les maires et leurs collaborateurs aux citoyens qui les interpellent sur la question. «Cela nous dépasse. La gestion du logement social n'est plus de notre ressort. Il faut voir avec la daïra», telle est la nouvelle réponse de ces mêmes représentants du peuple aux mêmes citoyens qui se plaignent du problème du logement. Même chose pour le problème du chômage : «Allez voir avec les gens de l'ANEM…». Entre-temps, des logements sociaux et non sociaux sont distribués à des personnes qui en ont déjà bénéficié. A des personnes qui n'en ont pas plus besoin que d'autres. Le nombre des appartements vides à Alger –pour ne citer que cette grande ville- témoigne de cette situation de mépris envers le citoyen. Des logements sociaux et non sociaux sont distribués à des hommes et à des femmes célibataires, au moment où des familles nombreuses se disputent des pièces de quelques mètres carrés. C'est l'anarchie et le mépris total au su et au vu de tout le monde. Accéder à un travail, à un bon travail, ce n'est pas chose facile non plus. Surtout si le candidat ou la candidate ne possède pas un minimum de qualification. Ces deux problèmes du logement et du chômage sont très difficiles à gérer en l'état actuel des choses par les représentants des collectivités locales. C'est, pourtant, pour ces deux questions qu'un grand nombre de citoyens se lèvent très tôt le matin afin de se voir accorder un petit entretien avec le maire ou l'un de ses collaborateurs. Un rendez-vous qu'il peut rarement obtenir le jour même. «Vous faites une demande écrite et vous déposez une photocopie de votre carte d'identité. Attendez que nous vous appelions», explique l'agent de l'APC au citoyen qui exprime son désir de voir le maire. Le citoyen pourrait être appelé dans un délai d'une semaine, mais parfois de trois mois. C'est selon. Les demandes d'audience sont très importantes mais seules deux journées de réception sont organisées par l'APC. Pour dire vrai, une seule journée et pour quelques heures seulement. «On ferme à 11 heures. Faites votre demande pour la semaine prochaine. Le maire est appelé pour une urgence», affirme un agent de sécurité de l'APC d'Alger-centre à une jeune dame qui attend son tour pour poser son problème au maire. A l'APC de la Casbah, ce n'est même pas la peine d'y aller et de demander une audience. «Le maire ne reçoit personne. Cela a été décidé d'en haut», explique un jeune employé. La raison en est toute simple : l'APC est bloquée depuis plusieurs mois. Voilà un autre problème qui mérite d'être résolu dans l'immédiat mais qui traîne pour des raisons qu'il ne faut pas chercher à comprendre. Il n'y a pas de volonté politique de changer les choses. Le statu quo arrange beaucoup d'intérêts. A Bab El Oued, les choses semblent être meilleures. Il y a une bonne entente entre les élus et entre ces élus et les employés de l'APC. C'est déjà un bon point pour le bon fonctionnement de la mairie mais aussi pour toute la commune de Bab El Oued. Seulement, les problèmes dans ce grand quartier populeux d'Alger restent assez nombreux et complexes. Les demandes d'audience vont en augmentant, les réponses des élus aux citoyens restent peu satisfaisantes. Le P/APC, Hassan Kettou, attire toutefois l'attention sur un fait qu'il juge très important pour le développement de sa commune et toutes les communes d'Algérie : «J'aurais aimé que nos concitoyens s'organisent en comités de quartier et en associations culturelles, sportives et autres. Nous avons besoin de leur aide pour aller de l'avant dans la réalisation de nos projets. Nous avons besoin de les faire participer à la gestion de la cité et même à la gestion du budget de la commune.» M. Kettou parle d'un vis-à-vis permanent et productif : «Nous avons besoin de travailler en collaboration. Qu'ils attirent notre attention sur les choses qui nous échappent et qu'ils contrôlent notre travail sur le terrain.» Le P/APC de Bab El Oued ne voit pas d'inconvénient à ce que de simples citoyens de la commune prennent part à la gestion de la localité. Pour cela, insiste-t-il, «je réitère mon appel pour que les citoyens s'organisent en comités de quartier et en associations culturelles, sportives et autres». Un avis partagé par le président de l'APC de Dar El Beida, Lyes Gamgani. «Je lance un appel aux citoyens de Dar El Beida pour s'organiser en comités de quartier et en associations. Nous avons besoin de leurs propositions, de leurs idées pour la concrétisation de nos projets.» Le premier responsable de la commune de Dar El Beida regrette le fait qu'il y ait très peu de comités et d'associations du genre qui activent réellement sur le terrain. «Ils se comptent sur les doigts de la main», dit-il. Pourtant, les citoyens parlent tous des problèmes de l'environnement, du manque d'aires de jeux et de détente, etc. «Ils en parlent entre eux mais ne s'organisent pas de façon à travailler avec nous et trouver ensemble les bonnes solutions.» Ainsi, de l'avis même de ces deux maires, la création des comités de quartier et d'associations à différents caractères pour apporter leur aide dans la gestion des problèmes communs de la commune est indispensable. Malheureusement, comme nous pouvons le constater au quotidien, c'est le désintérêt total. «Je m'en fous», «Je n'ai absolument rien à gagner», «Je ne vais pas refaire l'éducation d'une femme ou d'un homme de 30, 40 ou 50 ans», «Et vous faites confiance à ces gens-là?», «Je ne vais pas perdre mon temps dans des actions qui ne donnent rien», «Mes problèmes me suffisent»… Les citoyens ne s'y intéressent pas. Ils refusent de s'y impliquer… sauf s'il y a quelque chose à gagner. C'est, malheureusement, la mode d'aujourd'hui. En attendent que ces citoyens se décident, s'y engagent… les bâtiments se salissent chaque jour davantage, les marches d'escalier repoussent les visiteurs par leurs ordures et les odeurs nauséabondes qu'elles dégagent, les espaces verts se consument… et la solidarité citoyenne se perd dans des conflits qui n'en finissent pas. Chacun pour soi, et Dieu pour tous... K. M.