Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Le lundi est la journée de réception du public au niveau de la Direction de l'action sociale de la wilaya de Constantine. Personnes âgées, jeunes gens en détresse, handicapés, toute cette frange de la société locale vient frapper à la porte du secours pour espérer une écoute attentive à leurs préoccupations. Le froid de l'hiver s'installe progressivement et vient se greffer sur les autres aléas de cette couche déshéritée au quotidien rude, aggravé par la dégradation du pouvoir d'achat. Il faut admettre l'existence de personnes qui sont logées mais sous-alimentées en ces temps de froid. L'urgence ne semble pas attirer l'attention des pouvoirs publics en l'absence d'un mouvement associatif, toujours frileux à leur offrir dignement un morceau de pain à défaut d'une soupe chaude. La tradition d'offrir à manger n'est perceptible qu'au mois de Ramadhan. Au cours de la saison hivernale, les réflexions n'ont pas encore mûri pour songer à entrevoir des espaces, voire des réfectoires aptes à accueillir des personnes qui ont faim. On ne demande pas les «restos du cœur», loin de nous l'idée de concurrencer l'action chère à Coluche (comique français à l'initiative de restos du cœur en France, ndlr). Mais juste une légère adaptation de cette «bouchée de pain» qui permet de préserver la dignité d'une catégorie de la société, se serrant la ceinture et s'abstenant de frapper à toutes les portes… C'est dans ces conditions alarmantes que le mouvement associatif devrait faire parler de lui. Malheureusement, il n'en est pratiquement rien. Si l'on excepte quelques âmes charitables qui entreprennent des aides isolées, on constate que le rôle de la société civile demeure assez timide envers les démunis. Pour l'heure, on n'en est pas encore là. Il faudrait, de prime abord, sauver des personnes du froid. Autrement dit, leur garantir une nuit pour le moins confortable. Heureusement que cette lacune est comblée un tant soit peu par la DAS qui fait le recensement des personnes sans domicile fixe pour les héberger au niveau des centres de Djebel Ouahch, en plus des deux pensionnats pour mineurs de Sidi Mabrouk. «Il est des bienfaiteurs qui nous offrent parfois des couvertures, des vêtements et même des denrées alimentaires, mais il faut avouer que leur nombre est assez limité», révèle un responsable du secteur de la solidarité. La capitale de l'Est cumule au quotidien les jérémiades de mendiants et de pseudo démunis qui font de la «manche» une activité rentable. «90% des quémandeurs qui opèrent de jour à Constantine n'en sont pas originaires. Ils proviennent de la périphérie de la ville. Apparemment, ils trouvent leur compte en débarquant tôt le matin et rentrent le soir les poches bien remplies», explique ce même responsable et de poursuivre sur le mode de prise en charge ou de répression de la plupart de ces vagabonds. «On procède à l'identification de toutes les personnes qui squattent les trottoirs puis on les prend en charge seulement durant deux ou trois jours au grand maximum, juste le temps d'aviser leurs proches qui viendront ensuite les récupérer.» Parfois, la situation ne semble pas aussi simple qu'on le croit, car il importe d'être discret surtout avec des cas de femmes enceintes ou ayant des antécédents familiaux, cela dans le but d'éviter des actes irréparables. En ce qui concerne les SDF, leur prise en charge intervient suite à une action combinée menée par la Protection civile, la Sûreté nationale et les services de la DAS. C'est en effectuant des rondes de nuit à travers les artères de la ville de Constantine que les éventuels sans domicile fixe seraient localisés pour être ensuite hébergés au niveau de Diar Errahma. Selon les statistiques établies par les services compétents, il ressort que la wilaya de Constantine ne compte pas autant de personnes qui passent la nuit à la belle étoile. Leur nombre ne dépasserait pas la vingtaine, selon le fichier de la Direction de l'action sociale. «La directive du ministère de la Solidarité est claire : aucun Algérien ne doit passer la nuit en dehors d'un toit», soutient-on. Ainsi, des brigades nocturnes sillonnent les endroits les plus reculés de la cité et de la circonscription en vue de repérer les sans-abri. «Dans le cas où cela surviendrait, dira un cadre local, on procèderait à l'hébergement durant six mois des personnes avérées sans domicile et, à plus forte raison, sans famille. Elles seront admises au centre de Djebel Ouahch où elles recevront les commodités pour éviter le froid et les problèmes qui peuvent résulter des nuits passées dans la rue.» Cette situation passée, expliquera-t-il, des alternatives s'imposent pour les mineurs et ceux qui ont des familles. Les premiers seront présentés au juge pour une éventuelle incorporation au centre dévolu en ce sens. Alors que les noctambules errants qui disposent de proches seront automatiquement pris en charge par ces derniers. «La DAS ne s'occupera que de la frange orpheline, sans revenu, sans domicile et sans famille», fait-on savoir auprès de cet organisme. En revanche, pour ce qui concerne les personnes âgées, c'est-à-dire celles dépassant l'âge de 60 ans, elles sont intégrées directement à Dar el adjaza (maison de vieillesse) située dans la commune de Hamma Bouziane. Dans ce cas encore faudrait-il que la personne soit sans enfants ou sans famille. A ce sujet, la loi demeure claire. Un cas pour le moins accidentel est survenu lundi dernier lorsqu'un vieillard de 80 ans s'est présenté au niveau de la Direction de l'action sociale pour exposer son problème. En fait, son frère l'a mis à la porte au motif d'aller marier l'un de ses fils. Désemparé, le vieux entend décrocher un lit à Dar el adjaza car, dans pareil cas, la loi n'oblige pas son frère à le prendre en charge. C'est dire si les éventuels SDF ne sont pas une génération spontanée. Ils sont, certes, davantage visibles en hiver, mais les maux de la société les minent tout au long de l'année, voire de leur existence.