Photo : Riad Par Samir Azzoug à l'heure de la technologie de pointe, de la bonne gouvernance et des génies de la finance, un marché mondial de la compétence a vu le jour. La ressource humaine qualifiée est devenue une richesse convoitée par tous les pays. Par ce fait, les établissements de «fabrication du savoir» requièrent une importance stratégique. L'Algérie dispose actuellement d'une soixantaine d'établissements universitaires accueillant plus d'un million d'étudiants. Chaque année, environ 120 000 diplômés sortent de l'université et plus de 300 000 y entrent. En termes de chiffres, les statistiques de l'enseignement supérieur algérien sont impressionnantes. Ceci n'est pas le cas quant à la qualité de la formation. La meilleure université algérienne (celle de Tlemcen) est classée à la 39e place sur le plan africain et 6 995e (sur 7 000) au niveau mondial. Cette situation serait due, selon des experts, à la politique adoptée dans les années 1980 qui a favorisé la quantité aux dépens de la qualité. La démocratisation irréfléchie des études universitaires, adoptée en ce temps, a, certes, permis à toutes les franges de la société de poursuivre des études supérieures mais, en contrepartie, elle a occasionné une dégradation importante des conditions pédagogiques. Surcharge des amphithéâtres et des salles de cours, désertion des enseignants, baisse des subventions pour chaque étudiant… Face aux défis auxquels est confrontée l'Algérie : ouverture à l'économie de marché, accord d'association avec la Communauté européenne, prochaine adhésion à l'OMC…, il était devenu urgent de revoir toute la politique de l'enseignement supérieur. Une nouvelle stratégie générale fut alors engagée dès 1998. Celle-ci a eu pour cible trois axes majeurs : la réforme de la gestion de l'université, celle des enseignements du supérieur ainsi que celle de la réforme de la fonction publique. En termes de nouveauté, la principale modification reste l'introduction du système LMD. En vigueur dans les pays anglo-saxons, puis adopté dès 1998 par les Européens, ce système vise à uniformiser les diplômes, favoriser la libre circulation des compétences et permet d'adapter la formation en fonction des exigences du marché du travail. Lancé depuis 2004 dans une dizaine d'établissements universitaires, le nouveau système est accueilli avec scepticisme par les enseignants et les étudiants. Le LMD exigeant un encadrement et des moyens importants, ses opposants dénoncent la précipitation dans l'application et la mauvaise préparation du cadre pédagogique. En 2008, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique tente toujours, notamment à travers l'organisation des journées portes ouvertes sur l'université algérienne, de vendre le système aux nouveaux étudiants. A la rentrée universitaire 2007/2008, sur 270 285 nouveaux inscrits à l'université seuls 79 989 ont souscrit au LMD, soit moins de 30%. S'agissant de l'encadrement pédagogique, après la véritable saignée qu'a connue l'université en matière d'enseignants, particulièrement durant les années 1980 et 1990, le ministère essaie par tous les moyens d'attirer les compétences. Ainsi, de 1 718, en 1971, le nombre d'enseignants universitaires est passé à 16 260, en 1998, puis à 31 614, dont 40% de maîtres assistants contre 7% de professeurs en 2007/2008. En moyenne, il y a approximativement 1 enseignant pour 29 étudiants. Cette évolution quantitative importante va de pair avec l'augmentation du nombre d'étudiants. Ceux-ci étaient 23 416, en 1971, 372 647, en 1998, et atteignent actuellement 952 699 étudiants. Il faut savoir que sur cette masse d'étudiants, plus de 46% sont hébergés en résidences universitaires et 81% sont boursiers. Pour accueillir cette population estudiantine, des efforts considérables ont été consentis en matière d'infrastructures universitaires. Sur le plan des places pédagogiques, les capacités ont crû d'une manière importante. De 356 400, en 1998, elles ont atteint 806 000 à la rentrée universitaire 2007/2008. Pour ce qui est de l'hébergement, le nombre de lits a plus que doublé durant la même période (163 300, en 1998, et 373 400, en 2007/2008) répartis à travers 219 résidences universitaires. Pour le premier trimestre 2008, 35 nouvelles résidences seront réceptionnées selon le MESRS. Malgré ce bond quantitatif en infrastructures d'accueil et en enseignants, le déficit reste important. D'autant que les prévisions faites par le ministère, à l'horizon 2009, font état de 1,4 million d'étudiants qui occuperont les bancs des universités. Le programme quinquennal 2004-2009 prévoit la réception de 500 000 places pédagogiques et de 12 nouveaux pôles universitaires. Proportionnellement à l'évolution du nombre d'étudiants, cela reste insuffisant, bien que l'enveloppe consentie par l'Etat soit conséquente ; 120 milliards DA pour le programme quinquennal, 521 milliards DA pour le budget de fonctionnement. L'enveloppe allouée au secteur de l'enseignement supérieur représente environ 6% du budget de fonctionnement de l'Etat et 1,4% du PIB. Mais l'enseignement n'est pas seulement tributaire de moyens matériels. La recherche et l'encadrement sont des conditions sine qua non pour une université compétitive. Sur ce volet, en plus de la mise en place de pôles d'excellences (11 grandes écoles), le MESRS s'est engagé dans nombre d'accords de coopération internationale à l'image du projet Tempus, du programme de coopération interuniversitaire avec l'Espagne ou le Québec. Cela permettra la réinsertion de l'université algérienne dans la communauté universitaire mondiale. Devant toutes ces mutations, le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, à l'image de celui de l'éducation nationale, est en plein chantier. Si le temps du bilan pour le programme quinquennal qui s'achèvera en 2009 n'est pas encore venu, le seul constat que l'on peut retenir est que beaucoup a été fait mais que beaucoup reste à faire.