Le Premier ministre libanais Saad Hariri s'est rendu hier en Syrie dans une visite inédite. La démarche est une première depuis sa prise de fonction après une crise politique aiguë qui aura duré près de cinq ans. Le fils Hariri devait s'entretenir avec le président Bachar Al Assad des relations spécifiques entre les deux pays dans une rencontre considérée comme historique après le froid politique entre Damas et la majorité parlementaire libanaise. Toutefois, des signes dans le sens de la pondération entre les deux parties étaient déjà perceptibles. Le 8 décembre dernier, dans un discours devant le Parlement dans le but d'obtenir un vote de confiance pour son cabinet, Hariri avait promis que son gouvernement allait œuvrer pour améliorer les relations avec la Syrie voisine. Les rapports entre les deux pays sont restés tendus depuis l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri en février 2005 dans des conditions extrêmes. Rafic Hariri périra dans un attentat au camion piégé. Son fils, propulsé dans l'arène politique après cet assassinat, n'a jamais eu de contacts officiels avec le gouvernement syrien, encore moins avec le président Bachar Al Assad. Saad Hariri s'est ainsi distingué par une attitude franchement hostile au pouvoir en Syrie. Le chef de la majorité parlementaire a plusieurs fois accusé le voisin syrien d'avoir commandité l'assassinat de son père survenu à Beyrouth alors que le Liban était encore sous tutelle syrienne. L'assassinat de Rafic Hariri a été qualifié par les anti-Syriens de «meurtre politique». C'est alors qu'une véritable crise a été déclenchée sur fond d'accusation de trahison et de soupçons de déstabilisation entre Damas et le Groupe du 14 Mars. En juin 2009, le camp Hariri, soutenu par l'Occident et l'Arabie saoudite, a remporté les législatives alors que tout le monde attendait la victoire de l'opposition, menée par le Hezbollah. Le gouvernement Hariri n'a été formé que le 9 novembre, après cinq mois d'impasse politique avec le camp de l'opposition. L'agression israélienne contre le Liban durant l'été 2006 avait sérieusement redistribué les cartes dans la vie politique libanaise avec l'avènement au premier plan du parti de Nasrallah. La Syrie a exercé une tutelle sur le Liban pendant près de 30 ans. Cependant, Damas a été contraint d'en retirer ses troupes en avril 2005, deux mois après l'assassinat de Rafic Hariri et la crise aiguë qui s'en est suivie. Damas, accusé d'être derrière ce meurtre par deux rapports d'enquête de l'ONU, a toujours rejeté l'implication de ses services. De nombreuses capitales occidentales ont également imputé à la Syrie la responsabilité de cet attentat qui avait coûté la vie à 22 autres personnes. Depuis peu, la Syrie, devenue «fréquentable», enregistre un ballet diplomatique incontestable et les visites de certains de ses ex-détracteurs. Pour les analystes, l'objectif est patent : court-circuiter l'axe Damas-Téhéran. M. B.