De notre envoyée spéciale à Tamanrasset Mekioussa Chekir «évolution de la thématique dans la chanson amazighe de Kabylie», tel est l'objet de l'intervention présentée hier par Abdesslem Abdennour, journaliste et auteur d'ouvrages didactiques et d'analyses sur la société kabyle à l'occasion de la seconde édition du Festival culturel national de la musique et de la chanson amazighes à Tamanrasset. Le conférencier situe cette évolution dans trois étapes phares : la période coloniale ; la période de la guerre de libération nationale et celle de post-indépendance. S'agissant de la première, le conférencier rappelle qu'avant l'avènement de la radio kabyle à l'initiative de Mme Lafarge dans les années 30, la thématique de la chanson kabyle était présente dans «des registres dits de proximité». Autrement dit autour des travaux des champs, des travaux artisanaux, des occupations domestiques, des berceuses… En plus d'un type de complaintes chantées par les femmes dont le mari, le fils, le frère ou le père étaient mobilisé par l'armée française, M. Abdennour, estime que c'est avec l'apparition de la radio que la chanson kabyle a connu un essor pour devenir «un véritable éphéméride» qui retrace le vécu. Durant la période suivante, poursuit ce dernier, cette chanson a pu se frayer un chemin à travers les rets du contrôle grâce aux détours métaphoriques, rhétoriques et l'insinuation. «Toutes les chansons révolutionnaires expriment le même sentiment et les mêmes aspirations. Elles jouent le rôle de mot d'ordre de révolte et agissent comme un moteur dans la prise de conscience», note-t-il. Et de citer à ce propos Giraudoux qui disait : «Dès que la guerre est déclarée, impossible de tenir les poètes ; la rime, c'est encore le meilleur tambour !» Durant cette période, des chanteurs se sont illustrés comme Farid Ali, Allaoua Zerrouki, Kamal Hammadi, Noura, Oukil Amar… C'est la période post-indépendance qui retient le plus l'attention de l'intervenant en raison des bouleversements qu'a connus la chanson kabyle. Il s'agit notamment de l'exclusion du fait amazigh sous le triptyque «identité, langue et culture». En dépit de la censure qui battait son plein durant les décennies 70, 80 et même 90, la chanson kabyle est devenue le canal privilégié pour exprimer la contestation politique et dénoncer l'exclusion. L'ancien thème principal qui était l'émigration était relégué au second plan, observe encore Abdesslem Abdennour. Ce dernier rappelle dans ce cadre le «laborieux» travail effectué par cheikh El Hasnaoui, cheikh Nouredine, Cherif Kheddam, Hnifa, Ldjida, Ahcene Meziani, Youcef et Abdelwahab Abedjaoui, Mohamed Hilmi, Akli Yahyatene, Taleb Rabah, Ferhat Mhenni, Medjahed Hamid… «La chanson amazighe de Kabylie portée par une textuelle évolutive va alors faire un saut qualitatif extraordinaire au plan linguistique et de la pensée ouverte sur le vecteur du discours politique revendicatif», conclut l'intervenant. Certains universitaires, rappelle le chercheur, «élargiront l'entrebâillement de l'ouverture à travers une touche scientifique qui consiste à réhabiliter le catalogue du terroir traditionnel en le modernisant comme rampe de lancement vers l'avenir». Le chanteur Idir avec sa célébrissime Vava Inouva est le mieux indiqué pour représenter cette catégorie d'artistes. Parce que la chanson kabyle a accompagné la société dans toutes ses luttes, elle ne cesse de faire l'objet de thèses de recherche et d'études, que ce soit en Algérie ou à l'étranger, conclut M. Abdennour.