«Si ça continue, ils vont finir par nous vendre les lentilles à la graine.» Cette boutade, lancée par un collègue commentant la flambée du prix de ce féculent qui caracole à 180 dinars le kilogramme, résume à elle seule le drame du consommateur algérien qui ne se limite pas, hélas, uniquement aux lentilles. Quant à la cause de cette flambée, elle serait, selon des commerçants, à chercher du côté des grossistes qui pratiquent la vente concomitante pour déstocker les invendus, utilisant les lentilles comme produit à forte rotation. La vente par concomitance est interdite. Pourtant, les négociants, privés et publics, y recourent sans que personne y trouve à redire. Il en est de même pour le «fardage», pratique tout aussi interdite et qui, cependant, se généralise au vu et au su de tous, la rétention de produits dans le but de réduire l'offre, la falsification de l'étiquetage, le non-respect des dates de péremption, la triche sur le poids et/ou le volume des produits en emballage… C'est tout un répertoire de pratiques que les commerçants, aussi bien les producteurs et les transformateurs, connaissent sur le bout des doigts et utilisent sans qu'ils en soient inquiétés ou si peu. C'est ce commerce, sans règle ni contrôle, qui a transformé le marché en véritable enfer pour le consommateur et ce, malgré les lois édictées en vue d'organiser et réglementer le marché. Cette situation de non-droit a fini par faire réagir l'Etat, qui semble avoir compris l'inanité des demi-mesures et des interventions conjoncturelles. Selon le ministre du Commerce, les pouvoirs publics sont enfin décidés à mettre un terme à cette anarchie que font régner les commerçants et autres intermédiaires sur le marché. Pour ce faire, le ministère du Commerce compte introduire un amendement de la loi sur la concurrence qui donnera à l'Etat toute la latitude à plafonner les prix et fixer des marges bénéficiaires en vue de lutter contre les augmentations de prix injustifiées et débridées. D'autres mesures, que le ministre n'a pas détaillées, devront suivre. Et, pour garantir une application rigoureuse de la loi, le ministre a demandé l'implication des associations de consommateurs qu'il a invitées à se regrouper au sein d'une fédération et de ne pas limiter leurs interventions aux produits alimentaires seulement en élargissant leur champ d'activité à d'autres professions commerciales.En théorie, ce retour annoncé de l'Etat de droit sur le marché devra sonner le glas des pratiques commerciales frauduleuses. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Il y a toutes ces lacunes qui ont justement permis aux commerçants de fouler aux pieds toutes les lois du pays pour imposer les leurs. Sur le terrain, l'Etat est souvent absent ou, pire, complaisant. Les contrôles sont pris en charge par des services qui manquent de personnels et de moyens, quand ils ne sont pas minés par la corruption. Quant aux associations de défense des consommateurs, elles ont tout de l'Arlésienne. On attend toujours de les voir à l'œuvre. H. G.