Photo : Riad De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali La mauvaise qualité de l'accueil est, sans doute, l'un des principaux griefs retenus par les administrés contre les personnels des différentes administrations et établissements publics que sont les postes, les APC, les banques, les daïras, la Sécurité sociale… «Ces agents ne semblent pas comprendre qu'ils sont au service du citoyen, que leurs émoluments proviennent des cotisations de ce même citoyen et qu'ils lui doivent respect et considération. On dirait qu'ils le rendent responsable de leurs mauvaises conditions de travail, de la médiocrité de leur hiérarchie et des problèmes socioprofessionnels auxquels ils sont confrontés, et qu'ils le lui font payer», analyse un commerçant oranais qui a maille à partir avec l'administration algérienne. «Où que j'aille, il est rare que je reçoive un accueil correct : on voit que les gens n'aiment pas leur travail, qu'ils ne sont pas contents d'être derrière ce guichet et qu'ils souhaiteraient être ailleurs. On le voit à leur mine renfrognée, leur indifférence à nos problèmes et à leur mauvaise volonté … Comme si nous, citoyens, étions la cause de leur malheur !» Une heure passée dans une APC, une daïra ou un bureau postal suffit à comprendre le malheur de l'administré algérien : outre la chaîne qu'il doit subir quelle que soit l'heure, il doit faire profil bas devant des préposés renfrognés pour ne pas essuyer de rebuffades et espérer voir sa demande satisfaite dans des délais plus ou moins brefs. L'un des exemples les plus fréquemment cités : l'obtention d'actes de naissance originaux. «Il m'est déjà arrivé de revenir plusieurs fois pour récupérer mes actes de naissance et que l'on me réponde qu'ils n'étaient pas prêts. C'est très pénible pour les nerfs mais, que voulez-vous, l'Algérie est ainsi faite. Ou alors, vous avez toujours la possibilité de payer 200 dinars à quelque employé corrompu et vous aurez entière satisfaction», confiait un jeune entrepreneur que la fréquentation assidue des différentes administrations a débarrassé de ses dernières illusions. «Je n'ai plus besoin de faire la queue pour quoi que ce soit. Je préfère recourir aux services d'amis, au pire donner un ou deux billets, régler mes affaires et repartir vite fait.» De quoi devenir fou ! En dépit des affirmations des responsables communaux il est, en effet, impossible pour un «administré normal» d'obtenir des actes originaux en une semaine : si ce n'est pas le registre de l'état civil qui est déclassé, ce sont des erreurs qu'il faut corriger, la demande qu'on ne retrouve pas, le préposé qui est sorti prendre une cigarette… D'où la nécessité vitale d'avoir «un ami» au sein de l'administration, cela évite à la fois la froideur de l'accueil et les lourdeurs des procédures… Pourtant, des mesures censées «faciliter la vie» au citoyen ont été prises par de nombreuses mairies qui ont multiplié les bureaux, accroché des panneaux, installé le bureau d'accueil et de renseignements… «Vous ne pouvez pas savoir la somme de patience qu'il faut pour parvenir à satisfaire les gens, soupire une employée communale excédée par les reproches des citoyens. Nous faisons ce que nous pouvons pour satisfaire les demandes mais ce n'est pas facile dans l'état actuel de l'administration. Et cela, beaucoup ne le comprennent pas et certains vont jusqu'à nous accabler d'insultes et de propos blessants.» Il est vrai que nul n'a le droit de porter atteinte à la dignité d'autrui mais il est tout aussi vrai que les citoyens ne sont pas responsables de la situation de l'administration et qu'ils sont en droit d'attendre une qualité de service, pour le moins à la hauteur des engagements officiels. «L'administration algérienne a les moyens d'offrir un service minimum à ses administrés, rétorque-t-on parmi les citoyens. Un sourire agréable et une qualité d'accueil sont à la portée de n'importe qui, pourquoi nous les refuser ? S'ils ont des problèmes professionnels, qu'ils les règlent avec leurs responsables, nous ne sommes en rien responsables de leurs malheurs.» Sur ce point, la réglementation régissant la relation entre administration et administrés, tout autant que les assurances officielles, sont claires sur le fait que «les besoins des citoyens doivent être satisfaits avec tous les moyens mis à la disposition de l'administration». Outre la qualité de l'accueil, la réglementation stipule, en outre, que c'est à l'administration de procéder à toutes les démarches que nécessite l'établissement d'un quelconque document officiel. «Ce sont le laisser-aller, l'absence de contrôle et le laxisme qui ont mené les mairies à cette situation, confient des agents sous couvert de l'anonymat. Ce que l'on voit dans nos bureaux, les situations auxquelles il nous est arrivé d'assister sont hallucinantes. Pas étonnant que la satisfaction du citoyen n'entre, en vérité, même pas en ligne de compte.»