Photo : Riad Par Smaïl Boughazi Le secteur de l'agriculture a été secoué ces dernières semaines par deux grands événements. Deux banques qui se sont impliquées depuis plusieurs années profondément dans l'agriculture en Algérie se sont retrouvées du jour au lendemain en difficulté. Ces deux institutions étaient chargées de soutenir et d'accompagner l'un des secteurs les plus importants dans le développement du pays. Retour sur la genèse de l'affaire. La CNMA banque est au centre d'affaires douteuses. La commission bancaire chargée du dossier constate des carences dans la gestion de cette caisse. Après étude, cette commission, relevant de la Banque d'Algérie, décide de désigner un administrateur à la tête de cet établissement. Quelques jours auparavant, le ministère des Finances avait annoncé la reconduction des activités d'assurance de la CNMA pour une période transitoire d'une année par un arrêté. Que reproche-t-on, en fait, à cet établissement financier ? Outre le grave préjudice financier enregistré durant son existence –pas moins de 17 milliards de dinars– plusieurs dysfonctionnements ont été relevés. L'Inspection générale des finances (IGF), lors de son contrôle, a, en effet, constaté des créances qui se sont révélées tout à fait contraires à la loi, car elles résultent de relations d'affaires entre la banque et ses actionnaires. On a aussi relevé un mode de fonctionnement qui ouvre toutes les portes à l'abus de biens sociaux. Et comme un malheur ne vient jamais seul, une filiale de cette banque a subi le même sort pour les mêmes raisons. Le Conseil de la monnaie et du crédit a annoncé la semaine dernière le retrait d'agrément pour ce deuxième établissement qui n'est autre que la Société algérienne de leasing mobilier (Salem SPA) créée en décembre 1997. Selon le communiqué de la Banque d'Algérie, le Conseil de la monnaie et du crédit a examiné, lors de ses délibérations, la situation de cet établissement financier, et a retiré, conformément à l'article 95 alinéa a de l'ordonnance n° 03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit, l'agrément n° 97-03 accordé en 1997. Au chapitre des griefs retenus contre cet établissement, il est fait état, en fait, de lourdes pertes enregistrées ces derniers temps. Un rapport du ministère des Finances a dévoilé que cette filiale de la CNMA cumule près de 2 000 millions de dinars de crédits leasing qu'elle est dans l'incapacité de recouvrer. Elle affiche aussi un passif de 4 125 millions de dinars, un déficit de 665 millions de dinars et des fonds propres limités à 10 millions de dinars, même pas de quoi assurer les salaires du personnel pour un mois. La Salem SPA s'est engagée, affirme-t-on, à emprunter 100 millions de dinars pour l'achat de véhicules particuliers destinés aux cadres de l'agriculture. L'opération a été menée sous le couvert de «leasing véhicules». Comme c'est le cas pour la caisse mère, on reproche aussi à cette filiale son mode de fonctionnement qui est contraire aux pratiques bancaires. Pis, on affirme même que des recrutements ont été effectués et qui se sont avérés des enrôlements sur la base d'aucun critère. Dans les deux affaires, une chose est certaine, indique-t-on : c'est le secteur agricole qui en subira les conséquences. Les agriculteurs seront ainsi réorientés vers d'autres banques publiques à savoir la BADR et la BNA. Néanmoins, ces derniers qui sont concernés directement par ces deux affaires comptent bouger. Cette situation délicate que traversent les deux établissements suscite des réactions au sein des professionnels du secteur. Les agriculteurs, selon des informations recoupées, sont loin d'être satisfaits de la décision du gouvernement de liquider la banque. La réorientation des activités de la CNMA vers d'autres banques a été mal perçue. Les agriculteurs avancent comme argument principal l'inaccessibilité des crédits au niveau de ces banques pour des raisons diverses. Le syndicat des travailleurs de la CNMA a également affiché son étonnement quant à la décision des pouvoirs publics de mettre fin aux activités de ces deux établissements. Face à cette situation, le gouvernement était intransigeant. Ainsi, malgré les plans de redressement élaborés par ces deux établissements et présentés au gouvernement, les pouvoirs publics ont émis un refus catégorique à cette option. Ce qui indique clairement que l'exécutif a refusé d'engager des deniers publics, à travers les banques dont l'Etat est propriétaire et le Trésor dans des plans de redressement qui ne présentent aucune garantie de résultats pour remettre sur la bon chemin la CNMA-Banque et la Salem. Mieux, le gouvernement estime que les dernières décisions sont motivées par «la sauvegarde des deniers publics et les biens de la collectivité locale», selon un communiqué. Ce qui se pose maintenant comme problème à résoudre, s'accordent à dire les observateurs, est le sort des employés en cas de disparition de ces deux organismes. Mais aussi un autre chapitre et non des moindres est celui de l'accompagnement des projets entamés dans le secteur de l'agriculture, sachant que les besoins de financement dans ce secteur demeurent élevés, comme c'est le cas pour le secteur industriel.