Les arguments fallacieux de Moubarak pour justifier le siège de Ghaza ont trouvé un écho dans les antichambres d'Al Azhar. Ainsi, la plus haute autorité de l'islam sunnite en Egypte estime que «c'est le droit légitime de l'Egypte de construire une barrière qui empêche les nuisances venant des tunnels construits sous Rafah», Pour Al Azhar, ces tunnels «sont utilisés pour la contrebande de drogue et autres marchandises qui menacent la stabilité de l'Egypte». A en croire ces arguments, les frontières sud de Ghaza seraient dangereuses pour l'Egypte et menaceraient sa stabilité plus que ses frontières avec le Soudan et la Libye plus longues et plus ouvertes à toutes les formes de contrebande, notamment le trafic de drogue et d'armes. Au-delà des considérations politiques et sécuritaires qu'invoquent les autorités égyptiennes pour ériger un mur d'acier profond de trente mètres, est-il judicieux que l'autorité religieuse, dont l'aura dépasse les frontières égyptiennes, s'implique dans une affaire politique qui complique de surcroît la situation déjà difficile d'une population sous embargo. Al Azhar considère que «ceux qui s'opposent à la construction de cette barrière violent les commandements de la loi islamique», ajoute le communiqué du conseil de recherche islamique, publié à l'issue d'une réunion à laquelle participait l'imam d'Al Azhar, Mohammed Sayyed Tantaoui, qui est nommé par le gouvernement. Selon le journal, un député islamiste, Hamdi Hassan, a porté plainte contre le président Hosni Moubarak, exigeant la fin des travaux de construction. L'implication de l'institution religieuse égyptienne, qui était jusque-là une référence pour la majorité des musulmans sunnites dans une affaire politique et qui n'a nullement besoin d'une fatwa, ne manquera pas de discréditer Al Azhar, y compris aux yeux des Egyptiens dont la majorité écrasante est favorable à un soutien indéfectible de l'Egypte officielle aux populations de Ghaza qui ont besoin de ces passages secrets à Rafah pour subvenir à leurs besoins. En fait, Al Azhar, à travers sa position qui n'a aucun fondement religieux, exprime implicitement son soutien total à la politique du régime de Moubarak à l'égard de la Palestine en général et de Ghaza -la martyre !- en particulier. Al Azhar suggère ainsi à tout Egyptien qui s'oppose aux options officielles concernant Ghaza qu'il se situe en dehors de la charia et qu'il est par conséquent mécréant. Sachant que les Egyptiens sont sensibles aux questions religieuses et aux fatwas, Al Azhar s'est empressé de répondre à une doléance politique en détournant et manipulant les préceptes religieux et la piété des gens. Cette manœuvre, indigne de l'auguste institution qu'est Al Azhar, pourrait provoquer des réactions de colère, y compris en Egypte, et réduire l'institution religieuse à une annexe du pouvoir. Cette sortie inopinée d'Al Azhar est d'autant plus dangereuse qu'elle pourrait être exploitée par les groupes extrémistes et radicaux qui accusent les institutions religieuses modérées de complaisance avec Israël, et même de trahison. A. G.