Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Le complexe sidérurgique d'El Hadjar (Annaba) n'est pas près de sortir de la zone de perturbations qu'il traverse depuis plus d'une année et apparemment au vu des derniers développements la stabilité de cette usine stratégique n'est pas pour demain malgré la volonté affichée par certains et les réunions cycliques qui, la plupart du temps, aboutissent à la programmation… d'autres réunions. Ainsi, la stabilité tant voulue et attendue par le collectif des quelque 6 600 travailleurs affectés dans les différentes unités du complexe ne sera pas au rendez-vous en cette année 2010 et le business plan fixé ne sera vraisemblablement pas réalisé. L'année 2009 avait été riche en événements : conflit syndico-syndical qui avait secoué jusqu'aux fondements du complexe et avait failli mener à une grève générale, éviction de l'ancien secrétaire général du syndicat d'entreprise, nouvelles élections et poursuites judiciaires engagées contre le président du comité de participation ainsi que ses membres. Dans la foulée, des «affaires» avaient éclaté au grand jour impliquant certains responsables et chefs d'unités à l'intérieur du complexe, vols, détournements et ateliers clandestins avaient été découverts, accidents du travail et puis grève générale en juillet suite à la proposition par la direction d'une augmentation des salaires contre une suppression de 1 500 postes de travail. Il avait fallu des négociations qui avaient duré 3 jours pleins pour amener l'employeur à faire machine arrière et accepter en partie les contre-propositions faites par le syndicat. Certains points de la convention collective qui devaient être débattus et mis en œuvre avaient été renvoyés à une date ultérieure et la situation débloquée avait quelque peu retrouvé une stabilité relative. Selon le syndicat, les investissements que devait injecter l'employeur pour la modernisation et le renouvellement de certaines installations stratégiques haut-fourneau, laminoir à chaud, laminoir à froid, équipements et autres n'ont été réalisés qu'en partie, prétendant que la conjoncture actuelle dont la crise financière mondiale est à l'origine et a amené le groupe ArcelorMittal à réduire ses capacités, la demande ayant dangereusement chuté et, donc, les investissements ne pourront se faire que si une reprise du marché s'annonce et s'affirme sur le terrain. En amont, ce sont les travailleurs des sites miniers de l'Ouenza et de Boukhadra qui sont montés au créneau menaçant d'entamer une grève générale si leurs revendications ne sont pas satisfaites. Revendications axées essentiellement sur l'augmentation des salaires, l'amélioration des conditions de travail, le renouvellement des installations et du parc roulant. Les syndicalistes reprochaient à la direction de ne pas avoir lancé le programme de développement des 2 sites dont la production avait chuté de plus de la moitié suite aux pannes successives des installations vétustes et qui étaient devenues obsolètes. Ledit programme qui traînait depuis deux ans n'avait pas été pour les responsables des deux sites une priorité et vraisemblablement, ils avaient contribué par leur passivité à sa dégradation avec pour objectif la fermeture pure et simple des deux mines. Selon les représentants des travailleurs, la production est passée de 200 000 tonnes par an en 2005 et 2006 à 60 000 tonnes en 2009, soit une baisse sensible de l'ordre de 40%, ce qui met les deux sites de production dans la zone rouge. Pour combler ce déficit et continuer à alimenter le complexe sidérurgique, la direction a eu recours au stock stratégique qu'elle achemine par voie ferrée et par des camions de gros tonnage. Autre point de discorde qui avait envenimé les relations entre les deux parties, la non-application du nouvel organigramme que M. Jean Fortin, directeur général d'ArcelorMittal Tébessa, devait mettre en œuvre après sa nomination par le groupe en juin dernier. La crise avait été désamorcée in extremis et les deux parties en conflit avaient finalement signé un accord. Vint, ensuite, le problème de la cokerie qui fut fermée le 11 octobre dernier pour des raisons de sécurité ; celle-ci devenue vétuste et ne répondant plus aux normes représentait un danger permanent pour les 300 travailleurs qui y étaient affectés. Cela avait fait peser les craintes sur un éventuel dégraissage des effectifs qui avait amené le syndicat à négocier le redéploiement des ouvriers sur d'autres unités en attendant la réhabilitation de cette importante unité. Le complexe continuait à tourner avec les stocks stratégiques et pourrait dans les tous prochains jours recourir à l'importation de ce combustible à partir des autres sites du groupe implantés en Europe. Le 6 janvier courant, une réunion direction-syndicat s'est tenue pour débattre des points restés en suspens lors de la signature de la convention collective avec pour objectif de les concrétiser sur le terrain et en faire bénéficier les travailleurs concernés. Selon un communiqué parvenu à notre rédaction régionale, le syndicat a axé ses négociations sur six points qui ont fait l'objet de négociations avec l'employeur. Le premier a trait aux organigrammes des unités d'exploitation et de maintenance qui seront finalisés au cours du mois de février et pourront être appliqués par la suite. Le second point concerne les métiers clés appartenant aux groupes socioprofessionnels exécution et maîtrise (catégories B, C, D, E, F), les structures de production, de maintenance et de soutien technique qui bénéficieront d'une revalorisation des salaires dès que l'accord finalisé sera signé. Les 3e et 4e points ont visé le système de gestion des carrières, la base des calculs des augmentations des salaires. Quant au 5e point, il se rapporte au mécanisme de traitement des doléances des travailleurs qui devra être entièrement revu de façon à prendre en charge rapidement et dans les meilleures conditions les problèmes socioprofessionnels des personnels. Reste le problème de la cokerie qui est pour le syndicat un élément clé et une préoccupation majeure pour le dossier investissement. Pour les représentants des travailleurs, les investissements doivent toucher aussi bien la cokerie que le haut-fourneau, la PMA et les aciéries. Au cours de cette réunion, le syndicat ArcelorMittal Annaba a rappelé ses différentes démarches auprès de la Centrale syndicale UGTA ainsi qu'au niveau des pouvoirs publics à Alger pour les sensibiliser à ce problème qui menace des milliers d'emplois directs et ce, dans le but de mobiliser des fonds qui pourraient aider à la réhabilitation de la cokerie à l'arrêt depuis près de 3 mois. Samedi dernier, une autre réunion regroupait le syndicat et deux importantes personnalités du groupe ArcelorMittal, MM. Gonzalez Urquijo et Gérard Renz, pour débattre de cette question et avoir une meilleure visibilité de la situation surtout en ce qui concerne les projets de l'employeur se rapportant à cette unité. Une autre réunion devait avoir lieu, hier, décisive, celle-là, pour l'avenir de la cokerie ; le syndicat annonce déjà la couleur en menaçant de recourir à tous les moyens légaux, y compris la paralysie totale du complexe par une grève générale illimitée si la direction décide de se passer de cette unité et d'opter pour l'importation du coke. La direction du complexe qui continue à souffler le chaud et le froid en programmant des réunions qui en reprogramment d'autres veut gagner du temps, exerçant indirectement des pressions sur le gouvernement par syndicat interposé, le sachant prêt à tout pour préserver les 6 300 emplois. Une manière comme une autre de forcer la main aux pouvoirs publics et les amener à débourser de l'argent.