Les statistiques actuelles parlent d'un besoin national en céréales de l'ordre de 65 millions de quintaux. Un chiffre qui va nécessairement évoluer à la hausse, démographie oblige. C'est dire aussi que la facture des importations va suivre cette tendance. En somme, la consommation nationale est croissante alors que la production locale de céréales stagne et oblige, ainsi, les pouvoirs publics à importer plus de volumes sauf qu'il faut mettre plus d'argent pour combler le déficit entre la production et les besoins. Les cours mondiaux ne cessent de grimper au point qu'un haut cadre du ministère de l'Agriculture et du Développement rural a déclaré, dernièrement sur les ondes de la Chaîne III, qu'il va falloir mettre, pour cette année 2008, considérée comme faible en production, deux milliards de dollars supplémentaires pour combler le déficit. Dès lors, une question s'impose : y a-t-il un moyen pour freiner cette trop grande dépendance à l'importation de céréales ou, du moins, à la revoir à la baisse ? Si, pour certains courants de pensée, parler d'autosuffisance relève de l'utopie à partir du moment où la céréaliculture est avant tout une culture pluviale et que notre pays est semi-aride, en d'autres termes, vit en permanence un stress hydrique, d'autres (ndlr : courants) plus optimistes, avancent qu'avec un peu plus de maîtrise dans ce type de culture, le défi pourra être relevé. La sécheresse : une fatalité incontournable mais pas insurmontable Indéniablement, la sécheresse, qui s'est installée dans notre pays depuis deux décennies, fait que des milliers d'hectares ensemencés en céréales, chaque année, ne donnent pas de récolte. A l'approche de l'automne, on laboure et on sème dès les premières pluies, puis les fellahs espèrent voir venir les pluies de printemps. Quand elles ne se manifestent pas, beaucoup de ces terres semées sont abandonnées. Face à ces aléas climatiques, l'alternative de la pratique de la jachère semble des plus appropriées pour beaucoup de nos agriculteurs, notamment ceux des Hauts Plateaux là où la seule spéculation dominante et praticable est la céréaliculture. Car, par leur expérience, cet abandon du sol pendant une période plus ou moins longue permet qu'il s'aère et emmagasine de l'eau. Face aux années de déficit pluviométrique consécutif, la jachère est devenue susceptible de varier sensiblement en fonction des pluies automnales. Toujours dans ce contexte de mise en pratique de la jachère, par laquelle nos fellahs pensent réduire les aléas des irrégularités pluviométriques, il n'en demeure pas moins que les rendements demeurent faibles, pour ne pas dire très faibles. Ainsi, le binôme céréales/jachère, mis en application depuis plusieurs années, a dévoilé toutes ses limites. La longue série de statistiques en témoigne puisqu'elle indique que la production céréalière est restée la même pendant des décennies. En effet, la production n'a pas évolué de manière significative : on retrouve jusqu'à la fin des années quatre-vingt-dix la même production de 1975, de l'ordre de 21 millions de quintaux. Quant aux récoltes enregistrées depuis l'année 2000, en nette progression, certes, elles s'inscrivent en porte-à-faux dans la mesure où, selon des ingénieurs agronomes et contrairement à ce qui se dit dans les couloirs du ministère de l'Agriculture, leur accroissement est tiré de l'évolution des superficies ensemencées «et, donc, des surfaces de récolte et non des rendements», ont témoigné des enseignants de l'INPV que nous avons rencontrés lors d'un séminaire, le mois dernier à Tipasa, portant sur l'agronomie en Algérie. Des rendements qui n'ont jamais dépassé 11/12 quintaux à l'hectare, sauf rares exceptions dans l'est du pays où de véritables professionnels sont arrivés à récolter près de 30 q/ha. Cette stagnation de la productivité en céréales de tous types ouvre droit à de multiples interrogations. Un débat national consacré exclusivement à la céréaliculture est donc préconisé, surtout en cette période où les cours mondiaux des matières premières agricoles, à leur tête les céréales, ne cessent de grimper et que des experts avancent que, dans quelques années, le marché mondial du blé ne pourra plus répondre à la demande et, du coup, les pays dit grands producteurs en seront réduits à limiter leurs exportations, comme c'est le cas aujourd'hui pour le riz où nombre de pays ont décidé d'interdire toute exportation. Un avertissement en la matière pour peu que l'on daigne s'y pencher sérieusement. Un niveau élevé de la production est donc souhaitable pour faire face à toute éventualité de crise mondiale sur les blés. Devant un tel scénario, la question de la céréaliculture et de ses perspectives de production devient plus que d'actualité et par la même «ne saurait être traitée comme n'importe quelle autre production agricole», souligne-t-on au niveau de l'INGC (Institut national des grandes cultures). Satisfaire les besoins du pays par le développement d'une céréaliculture performante Au préalable, pour arriver à un tel objectif, il faudra réunir certaines conditions, comme mentionné dans de nombreuses études réalisées sur le terrain et rejetant de fait que l'insuffisance est la seule raison des mauvais rendements observés sur les plaines telliennes là où se concentrent le gros des terres céréalières du pays. Cela en partant du constat qu'il existe des différences de rendement flagrantes entre certaines exploitations et leurs voisines plus nombreuses, que la pluie seule ne peut expliquer. Ce qui montre que la véritable raison des faibles rendements est à chercher ailleurs. En d'autres termes, dans une même région où la quantité de pluie est insuffisante, le nombre de jours de pluie se compte sur le bout des doigts et, selon à une sécheresse précoce ou tardive, on peut rencontrer des écarts énormes en termes de volumes récoltés sur des superficies identiques. De telles différences s'expliquent, selon des ingénieurs agronomes, du fait que d'un côté, l'itinéraire technique a été correct donnant droit à de bons rendements et, de l'autre, un simple grattage du sol (cas de la majorité des agriculteurs) ne peut donner que de piètres résultats, sinon un abandon pur et simple de la superficie ensemencée. De ce constat, on ne saurait espérer un changement notable et définitif de la production céréalière si les éléments de la stagnation sont encore présents dans la majorité de nos exploitations agricoles. Certes, la décision du gouvernement d'acheter les céréales à un prix qui se rapproche des cours mondiaux actuels, dans le but d'encourager les céréaliers à produire plus, n'est pas suffisant, est-il souligné du côté des connaisseurs en la matière. Selon eux, «la relance de la céréaliculture ne peut être dissociée d'un ensemble de facteurs intimement liés que sont la jachère, l'élevage ovin (auquel on réserve des centaines d'hectares céréaliers pour sa nutrition et qui en demande toujours plus), la fertilisation (engrais suffisants et appropriés), la mécanisation (un parc de labours et de récoltes insuffisant et vétuste, d'où le travail approximatif des sols et des pertes dans les récoltes),les semences sélectionnées, la recherche appliquée, la taille des exploitations et les prix». Autant de facteurs déterminants qui viennent s'ajouter à la panoplie habituelle des mesures connues et inventoriées pour accroître les rendements, à savoir les itinéraires techniques, la date précise des semailles et des moissons. On ne saurait omettre, dans ce contexte, qu'il y a tout intérêt d'accentuer la reconversion là où elle est impérative non en introduisant la jachère comme moyen pour rendre fertile des terres, cela est faux, mais dans la mise en place d'un assolement plus intensif, telle est l'orientation souhaitée par les agronomes. En définitive, et compte tenu de la place qu'occupent les céréales dans la consommation des ménages, dans la ration des animaux et leur coût actuel et à venir dans les importations, en cette période où du côté de la tutelle on parle de lignes de conduite à mener pour développer notre agriculture, la priorité doit être donnée à l'amélioration des conditions de production céréalière. Il y va de notre sécurité alimentaire ! Z. A.