Photo : Hacène Par Salah Benreguia Que reste-t-il de ce tissu bâti à coups de milliards durant l'ère socialiste et après une période marquée particulièrement par la présence et la prédominance du privé ? Le secteur public peut-il rattraper le retard et suivre le train industriel qui se déplace à une vitesse effrénée ? La réponse est affirmative, si l'on regarde seulement ces entreprises publiques ayant réussi le sésame d'une politique gouvernementale favorisant, un certain temps, le secteur privé, sous le couvercle d'une libéralisation tous azimuts du marché national. L'exemple de la Compagnie algérienne de mobilier métallique d'organisation (CAMMO) ne peut que confirmer que les entreprises étatiques, voire publiques, peuvent réussir un grand exploit là où certains opérateurs économiques privés ont simplement échoué à coups de milliards et, parfois, avec l'aide des compagnies étrangères. En effet, CAMMO, qui est située dans la zone industrielle de Rouïba (est d'Alger), fait partie des rares entreprises qui échappent à cette levée de boucliers contre tout ce qui porte la marque du secteur étatique. Le secret ? Les dirigeants de cette entreprise se sont mis dans la «peau marketing» des responsables des entreprises privées. En clair, les responsables de CAMMO, ont su développer un esprit de compétiteur et luttent pour gagner et conserver des parts de marché. Un pari, au demeurant réussi, compte tenu des chiffres d'affaires enregistrés ces derniers temps. Mieux, les utilisateurs ne tarissent pas d'éloges au sujet des articles entrant dans la gamme de produits mis en vente par cette compagnie. Et de ce fait, les institutions étatiques, ministères et d'autres administrations, sautent à pieds joints pour s'offrir les produits de cette entreprise. Plus de 50 ans d'expérience «CAMMO est une ancienne entreprise qui date des années 1960. C'était une filiale de la société française Roneo. Elle a été nationalisée en 1974, pour être rattachée à la SNLB. Depuis 1998, elle est devenue une entreprise autonome qui a un statut de EPE SPA», nous a déclaré Hakim Chabane, p-dg de cette entreprise. Gérée par un conseil d'administration, elle est spécialisée dans le mobilier de bureau, et dans tout ce qui a trait au métallique. «Nous garantissons une moyenne de vie de 10 ans, et nous avons des mobiliers datant des années 1960 qui sont encore dans les administrations», nous a-t-il expliqué avec une certaine fierté. A la question de savoir si cette entreprise est en relation de partenariat avec des étrangers, la même source nous a indiqué que pour l'instant, il n'y a pas de partenariat. «Mais il y avait des tentatives de partenariat qui n'ont pas abouti. Il y avait une tentative avec les Allemands, en 2006, mais cela n'a pas marché parce que les conditions n'étaient pas réunies pour arriver à un partenariat. Actuellement, on est à la recherche de partenaires pour le développement de certains produits précise M. Chabane. Pour ce qui est du chiffre d'affaires, notre interlocuteur soutient que son entreprise connaît une évolution permanente. «Ces dernières années, on a une stabilité et une croissance. On est arrivé maintenant à pleine capacité», note-t-il. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le chiffre d'affaires durant ces cinq dernières années a été multiplié par trois. En 2007, le chiffre d'affaires était de 600 millions de DA, et en 2008, il passe à 624 millions de DA. «Donc, la croissance existe et on compte atteindre 740 millions de DA en 2009.» Là, notre source tient à ajouter un autre parangon : l'entreprise est certifiée ISO 9001 version 2000 depuis 3 ans, et elle s'apprête à se certifier en ISO 9001 version 2008 cette année. A la question de savoir si les capacités de production de cette entreprise pourraient satisfaire toute la demande nationale, le patron de cette entreprise estime que ce n'est pas facile de satisfaire tout le marché national. «Mais, on a des grandes parts de marché. En d'autres termes, on répond à un grand volume de la demande globale. Dans notre domaine, on est leader et ce, malgré la présence de la concurrence. Car, dans ce domaine, la concurrence existe et, parfois, elle est importante et sérieuse, mais on a déjà les 30% du marché national», fait-il savoir. En plus du marché national, est-ce que l'entreprise CAMMO exporte ? «Non, notre entreprise n'exporte pas. On a essayé des tentatives d'exportation dans le passé, mais il faut savoir qu'on a trouvé de sérieuses difficultés pour exporter. Mais l'export est inscrit dans notre programme tracé à moyen terme, c'est-à-dire dans les cinq ans à venir. Car, si l'on se lance dans le mobilier médical, on ne se contentera pas de pourvoir le marché médical, mais pour exporter également, notamment vers le marché régional [les pays africains, et les pays voisins]. Ces pays sont des pays que nous connaissons parfaitement, car nous avons prospecté les marchés des pays limitrophes, [Libye, Tunisie, Niger et Sénégal]. Ce sont des pays que nous avons visités et nous avons vu leurs besoins. Donc, on va essayer de s'intégrer dans ces marchés», résume-t-il plus loin. L'approvisionnement : le casse-tête de l'entreprise CAMMO Au chapitre des problèmes et contraintes rencontrés régulièrement par cette entreprise, on trouvera celui de l'approvisionnement. En effet, cette entreprise enregistre des ruptures des stocks, conséquence directe de rupture due, elle aussi, aux nombreux problèmes marquant le complexe sidérurgique d'El Hadjar. «Actuellement nous avons des perturbations permanentes en matière d'approvisionnement, le complexe El Hadjar géré actuellement par ArcelorMettal Steel n'arrive pas à satisfaire la demande nationale», affirme le premier responsable de CAMMO, pour qui, «même l'importation des matières sidérurgiques n'est pas possible, puisqu'il faut importer de grandes quantités pour avoir des prix préférentiels et ce n'est pas le cas de notre entreprise». Pour ce qui concerne la mise à niveau de cette entité économique, notre locuteur indiquera que, parmi les actions entreprises par son entreprise, il y a eu la formation de quelques employés, la modernisation du système informatique, notamment la création d'un nouveau site Web, le renouvellement d'une partie de l'outil de travail. Après avoir énuméré ces mesures, notre interlocuteur, interrogé sur les dernières décisions prises par le gouvernement qui visent, pour rappel, à soutenir le secteur public, nous dira qu'«au niveau de l'entreprise, il n'y a pas beaucoup d'attentes», d'autant que CAMMO ne possède pas de dettes. Plus explicite, il dira que les attentes sont «au niveau global» c'est-à-dire «des partenaires et des fournisseurs fiables et assainis». La même source a tenu, dans ce sillage, à évoquer les deux phénomènes qui gangrènent actuellement le marché national : la contrefaçon et le marché parallèle. En clair, CAMMO est touchée par ces deux phénomènes. «Le marché parallèle nous a porté préjudice, et on a même enregistré des pertes financières. Particulièrement le marché asiatique nous a porté préjudice les premiers temps, mais pas actuellement, car le consommateur commence à se rendre compte et à prendre conscience de la qualité des produits mis sur le marché. Maintenant, le client fait la distinction entre les produits importés et contrefaits et nos produits», explique-t-il plus loin.En somme, l'exemple de CAMMO est, sans doute, à suivre, car peu d'entreprises étatiques ont réussi dans une conjoncture économique morose durant laquelle est sonné, à juste titre, l'hallali contre les entreprises publiques, coupables selon une thèse en vogue, de mauvaises performances. Là, le rôle de l'Etat d'aider ce genre d'entreprise, honorant sans doute notre pays, est plus qu'indispensable. Car, en plus de la création de richesses, CAMMO participe avec ses équipements, mis sur le marché, au renforcement de l'organisation et de la gestion dans tous les secteurs d'activité aussi bien administratifs qu'industriels réputés sous-équipés.