Dans une conférence de presse organisée hier à Alger, le ministre de l'Energie et des Mines Chakib Khelil dit n'avoir pris connaissance de l'affaire de corruption à Sonatrach, dans laquelle sont impliqués de haut responsables de la compagnie, dont le PDG, seulement «deux ou trois jours avant que la presse n'en fasse l'écho». Et de souligner qu'il «ne peut» ajouter d'éléments d'information à ce qui a été rapporté par la presse nationale, parce qu'il «n'en dispose pas». Il confirme que deux vice-présidents de Sonatrach, le responsable du transport par canalisations (TRC), et celui de l'amont pétrolier ont été mis «sous mandat de dépôt» et les autres accusés «sous contrôle judicaire». Le ministre rappelle qu'en vertu de la convention collective de Sonatrach, les mis en cause peuvent se faire assister, s'ils le souhaitent, par «des avocats» de la compagnie nationale. Les mis en cause «sont innocents», jusqu'à preuve du contraire, dit-il. Chakib Khelil déclare également qu'il est «prêt à être entendu par la justice si cette dernière le convoque». Mais quelle est la partie plaignante dans cette affaire ? A cette question, il répond qu'il «ne la connaît pas». Comment est-il possible qu'avec tous les mécanismes mis en place dans les procédures de marchés une telle affaire ait pu se produire ? Chakib Khelil avance qu'«on n'a pas de compétences» en matière de marchés, de procédures, car «on n'en pas formées», et qu'il faut toute une «culture» dans les procédures d'attribution de marchés, qu'il s'agisse de gré à gré ou d'appels d'offres, pour pouvoir imprimer de la transparence et maîtriser les outils des marchés. La procédure des appels d'offres existe depuis une dizaine d'années. Il faut dire qu'il y eut des résistances dans le secteur des hydrocarbures pour qu'elle ne soit pas mise en œuvre. Maintenant qu'il est effectif, ce mécanisme n'a pas empêché que des scandales éclaboussent une entreprise aussi importante, aussi prestigieuse que Sonatrach et le secteur pétrolier, de manière générale. Avant l'affaire qui fait actualité aujourd'hui, d'autres scandales ont émaillé la sphère pétrolière. De gros sous à Sonatrach, cela attire corrupteurs et corrompus. Souvent, c'est dans le gré à gré que niche la corruption. Est-ce inévitable ? Le ministre de l'Energie et des Mines avance que lorsqu'il y a un seul soumissionnaire pour tel ou tel marché ou qu'il y a infructuosité, on passe au gré à gré, selon des mécanismes bien précis. L'affaire dont il s'agit découle-telle de ces dernières procédures ? C'est possible. «L'audit et les méthodes de contrôle auxquels est soumise Sonatrach n'ont rien à voir avec cette affaire», note Chakib Khelil lors de la conférence de presse citée plus haut. L'audit «se fait normalement», l'inspection générale au niveau du ministère de l'Energie et des Mines «effectue les missions qui lui échoient», ajoute-t-il. Et de relever cependant qu'on «ne peut pas déclencher des enquêtes chaque fois qu'un courrier dénonçant des affaires de corruption atterrit dans les services de la tutelle». souvent, des lettres non signées nous parviennent et que l'on ne peut pas prendre en compte, avance-t-il. Souvent, dit-il, des gens mécontents, suite à l'attribution de marchés, nous font parvenir des documents de dénonciation. Après la mise sous contrôle judicaire de son P-DG, c'est Abedelhafid Feghouli, qui occupe aujourd'hui le poste de président-directeur général par intérim. «On a formé la relève, des compétences auxquelles on peut confier des postes de responsabilité», souligne le ministre. Ce dont tout le monde est sûr, c'est que le scandale dont il est question ne peut que ternir l'image de Sonatrach, que les mis en cause soient présumés innocents. Le Groupe Sonatrach est au creux de la vague. Le groupe, et on ne le dit pas assez, s'est fait, pourtant, une bonne réputation ces dernières années. Il dispose d'une signature qui compte dans le carré des grandes compagnies pétrolières et gazières. Il a réussi à tisser un bon paquet d'alliances avec des compagnies connues et reconnues à l'échelle mondiale. Sonatrach, c'est le plus gros investisseur dans le pays. Poussant ses ambitions plus loin, il est en train de développer des activités à l'international. Il est présent au Pérou, dans des pays européens, en Libye, en Mauritanie… Son objectif est que le gros de son chiffre d'affaires soit tiré des projets à l'international. Depuis 2005 il évolue dans une nouvelle législation adoptée par l'APN, non sans divergences. Et c'est dans le cadre de cette loi que deux avis d'appels d'offres ont été lancés. Le premier, tout comme le second, n'ont cependant pas attiré énormément de sociétés étrangères. Aux dires de beaucoup, c'est à cause de la crise financière internationale que les compagnies pétrolières et gazières n'ont pas manifesté de l'intérêt pour ces deux appels d'offres. En tout cas, le premier a donné lieu à quatre contrats, le deuxième à trois. Les trois derniers contrats ont été d'ailleurs signés hier. La nouvelle législation pétrolière a introduit, entre autres, la taxe sur les profits exceptionnels (TPE), prélevée sur les droits des associés et reversée au Trésor public. En 2008, elle a rapporté au Trésor 2,6 milliards de dollars. C'est une donne qui est mentionnée dans le rapport financier 2008. Le document explique également que le résultat 2008 a été impacté pour vingt milliards de dinars par la comptabilisation du différentiel fiscal entre la loi 86-14 et la nouvelle loi 05-07 relative aux hydrocarbures, et pour vingt milliards de dinars par la constatation de la provision pour abandon et restitution de sites. Mais l'effort d'investissement durant l'année 2008 a été plus important avec des réalisations d'investissement de 598 milliards de dinars contre 451 milliards en 2007, soit une augmentation de 32%. Pour les années à venir, la compagnie nationale des hydrocarbures a établi un important programme d'investissement. Et elle ne compte pas le revoir à la baisse, malgré la crise mondiale. Y. S.